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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/94

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

détachement, et nous fit partir deux heures avant le jour, en nous répétant qu’il fallait absolument marcher jusqu’à ce que nous ayons joint les avant-postes ennemis, auxquels il désirait vivement qu’on pût enlever quelques prisonniers.

M. Canon disposa parfaitement son détachement. Il plaça une petite avant-garde, mit des éclaireurs sur les flancs, et prit enfin toutes les précautions d’usage dans la guerre de partisans. Arrivés à deux lieues du camp que nous venons de quitter, nous trouvons une grande auberge. Notre sous-officier questionne le maître, et apprend qu’à une forte heure de marche nous rencontrerons un corps autrichien, dont il ne peut déterminer la force, mais il sait que le régiment qui est en tête est composé de housards très méchants, qui ont maltraité plusieurs habitants de la contrée.

Ces renseignements pris, nous continuons notre marche. Mais à peine étions-nous à quelques centaines de pas, que M. Canon se tord sur son cheval, en disant qu’il souffre horriblement, et qu’il lui est impossible d’aller plus loin, et il remet le commandement du détachement au sous-officier Pertelay aîné, le plus ancien après lui. Mais celui-ci fait observer qu’étant Alsacien, il ne sait pas lire le français, et ne pourra par conséquent rien connaître à la carte qu’on lui donne, ni rien comprendre aux instructions écrites données par le général : il ne veut donc pas du commandement. Tous les autres sous-officiers, anciens Bercheny aussi peu lettrés que Pertelay, refusent pour les mêmes motifs ; il en est de même des brigadiers. En vain, pour les décider, je crus devoir offrir de lire les instructions du général et d’expliquer notre marche sur la carte à celui des sous-officiers qui voudrait prendre le commandement ; ils refusèrent de nouveau, et, à ma grande surprise, toutes ces vieilles