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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/97

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PREMIERS FAITS D’ARMES.

que le feu de ses carabines me tuerait peut-être quelques hommes et avertirait de l’approche des Français. Il fallait donc tourner le hameau, gagner l’abreuvoir et tomber à l’improviste sur les ennemis. Mais par où passer pour ne pas être aperçu ? J’ordonnai donc au paysan de nous conduire, en faisant un détour, et lui promis de le laisser aller dès que nous serions de l’autre côté du hameau que j’apercevais. Cependant, comme il ne voulait pas marcher, je le fis prendre au collet par un housard, tandis qu’un autre lui tenait le bout d’un pistolet sur l’oreille. Force lui fut donc d’obéir !

Il nous guida fort bien ; de grandes haies masquaient notre mouvement. Nous tournons complètement le village et apercevons, au bord du petit étang, l’escadron autrichien faisant tranquillement boire ses chevaux. Tous les cavaliers portaient leurs armes, selon l’usage des avant-postes ; mais les chefs des Barco avaient négligé une précaution très essentielle à la guerre, qui consiste à ne faire boire et débrider qu’un certain nombre de chevaux à la fois, et à ne laisser entrer les pelotons dans l’eau que les uns après les autres, afin d’en avoir toujours la moitié sur le rivage, prêts à repousser l’ennemi. Se confiant à l’éloignement des Français et à la surveillance du posté placé en tête du village, le commandant ennemi avait jugé inutile de prendre cette précaution : ce fut ce qui le perdit.

Dès que je fus à cinq cents pas du petit étang, je fis lâcher notre guide, qui se sauva à toutes jambes, pendant que, le sabre à la main, et après avoir défendu à mes camarades de crier avant le combat, je me lance au triple galop sur les housards ennemis, qui ne nous aperçurent qu’un instant avant que nous fussions sur la rive de l’étang ! Les berges de l’étang étaient presque partout trop élevées pour que les chevaux pussent les gravir, et