Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’est inouï… Et ce petit Juif zézayant qui quémandait du matin au soir, une « pétite pipé dé tabac » ?

— Lui… tu ne sais donc pas ? Critique d’art influent, expert chez les marchands de tableaux. Riche, très riche.

Tous envolés, dispersés, casés ! Mais la plupart nettoyés, installés dans « l’inclusive sinécure », comme dit Laforgue. Autour de nous, s’agitaient des marchands des quatre-saisons. Crainquebille avait pris possession de la rue de Buci. Je poursuivis ma route. Le « Petit Bar » ressemblait à un bar quelconque. L’« Habitué » me parut morne. Les autres boîtes n’étaient plus là. Des épiciers, un bureau de tabac et horreur ! une succursale de la Société Générale.

Tout s’en va. Mais au coin de la rue de Seine, un fantôme, rapide : un jeune rapin au feutre mou, aux cheveux dans le cou, un carton sous le bras, candide et pressé, toute une évocation. La Tradition. Elle s’engouffra dans un couloir.

Je descendis, tristement, vers les quais.


IV

Comme on a pu voir, on rencontrait dans ce quartier de Buci, tel que je l’ai connu à une époque où je comptais parmi les « moins de trente ans », les types les plus variés : tapeurs professionnels, souteneurs, combineurs — toutes les épaves. André Salmon