Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 2,1874.djvu/312

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si elle vient à perdre son courage militaire ! — Je lis le roman de mon amie madame de Boigne[1]. Il m’afflige. C’est une personne de beaucoup d’esprit qui expose ses défauts et qui les critique très-amèrement, mais qui les garde. Elle a passé plus de trente ans sans me dire un mot de ce roman, et, dans son testament, elle a ordonné qu’on le publiât. Cela m’a surpris autant que si j’apprenais que vous venez d’imprimer un traité de géométrie.

Il faut que je vous dise quelque chose de ma santé, quoique le sujet ne soit pas agréable. Je suis de plus en plus poussif. Quelquefois, je me sens fort comme un Turc, je fais de longues promenades, et il me semble que je suis aussi bien que lorsque nous courions dans nos bois. Le soleil couché, ma poitrine se gonfle, j’étouffe, et le moindre mouvement m’est très-pénible. Ce qui est singulier, c’est que je ne suis pas plus mal, que je suis même mieux dans la position horizontale que debout ou assis.

Adieu, chère amie ; je vous souhaite santé et prospérité.

  1. Une Passion dans le grand monde.