Page:Mérimée - Carmen.djvu/218

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tadins. Chacun doit mesurer sa tâche à ses forces. — C’est pour cela, dis-je, que vous devriez être mieux placé. — On m’avait dit, dans le temps, continua-t-il, que monseigneur l’évêque de N***, votre oncle, avait daigné jeter les yeux sur moi pour me donner la cure de Sainte-Marie : c’est la meilleure du diocèse. Ma vieille tante, la seule parente qui me soit restée, demeurant à N***, on disait que c’était pour moi une situation fort désirable. Mais je suis bien ici, et j’ai appris avec plaisir que monseigneur avait fait un autre choix. Que me faut-il ? Ne suis-je pas heureux à Noirmoutiers ? Si j’y fais un peu de bien, c’est ma place ; je ne dois pas la quitter. Et puis la ville me rappelle… » Il s’arrêta, les yeux mornes et distraits ; puis, reprenant tout à coup : « Nous ne travaillons pas, dit-il. Et notre botanique ?… » Je ne pensais guère alors au vieux foin épars sur la table et je continuai les questions. — « Quand êtes-vous entré dans les ordres ? — Il y a neuf ans. — Neuf ans… mais il me semble que vous deviez avoir déjà l’âge où l’on a une profession ? Je ne sais, mais je me suis toujours figuré que ce n’est pas une vocation de jeunesse qui vous a conduit à vous faire prêtre. — Hélas ! non, dit-il d’un air honteux ; mais si ma vocation a été bien tardive, si elle a été déterminée