Page:Mérimée - Carmen.djvu/348

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dans le cas d’Aristophane bafouant Cléon sur le théâtre. Aristophane était poëte, et non tribun pour l’accuser sur la place publique. Si les spectateurs goûtent la satire, c’est à eux d’extirper les vices qu’on leur dénonce.

Les principaux fonctionnaires d’une ville de province sont réunis chez le gouverneur (gorodnitchii), espèce de sous-préfet réunissant des fonctions judiciaires et administratives. Il est fort ému d’une nouvelle qu’il vient de recevoir. On lui mande de Pétersbourg qu’un inspecteur général (revizor), voyageant incognito, doit arriver sous peu dans la ville pour examiner la conduite des employés du gouvernement. L’avis est fait pour alarmer, car grands et petits volent à l’envi dans la ville où se passe la scène, et que M. Gogol s’est bien gardé de nommer. Le gouverneur, dont la conscience est la plus chargée, les avertit charitablement de se mettre en mesure pour qu’à son arrivée M. l’inspecteur général trouve les choses comme le gouvernement le désire. « Vous, monsieur le directeur de l’hospice, vos malades sont sales comme des forgerons ; l’hôpital n’est pas tenu. Il faudrait aussi vous arranger pour qu’il y eût moins de malades ; autrement, on ne manquera pas de dire que c’est la faute de l’administration. » Le directeur, qui met dans sa poche l’argent de la pharmacie,