Page:Mérimée - Carmen.djvu/349

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répond qu’il est prêt à recevoir ce terrible inspecteur. Il a inventé un nouveau traitement. « À quoi bon, dit-il, se creuser la tête pour faire des ordonnances de drogues qui coûtent très-cher, pour le premier venu ? L’homme est un être simplement organisé ; s’il meurt, il meurt ; s’il guérit, il guérit. D’ailleurs notre médecin allemand a trop de peine à s’entendre avec les malades, car il ne sait pas le russe. » — « Vous, monsieur le juge, continue le gouverneur, je vois avec peine que vous mettez vos oies dans la salle des Pas-Perdus ; et puis vous avez trop le goût de la chasse, et vous vous laissez faire des cadeaux de chiens par les plaideurs. — Et vous même, réplique le juge, vous vous laissez bien donner des pelisses de cinq cents roubles. — C’est bon, dit le gouverneur en colère ; mais savez-vous pourquoi vous vous laissez faire des cadeaux de chiens ? C’est parce que vous ne croyez pas en Dieu. Vous n’allez jamais à l’église, tandis que moi je vais à la messe tous les dimanches. Quand vous vous mettez à parler de la manière dont le monde s’est fait, vous me faites dresser les cheveux sur la tête. »

Chaque fonctionnaire ayant été admonesté de la sorte, le gouverneur tire à part le directeur des postes,