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L’INSPECTEUR GÉNÉRAL.

Le Juge.

Eh bien ! je vais les faire tous envoyer à la cuisine. Voulez-vous dîner chez moi ?

Le Gouverneur.

Ah ! Et puis votre salle d’audience, je suis fâché de vous le dire, elle n’est pas tenue. Elle a l’air de je ne sais quoi. Sur le bureau, avec les papiers, une cravache ! Je sais que vous aimez la chasse ; c’est très-bien, mais vous ferez mieux, pour le moment, d’ôter cette cravache, vous la remettrez si vous voulez quand l’inspecteur sera parti. Il y a encore votre assesseur… c’est peut-être un homme entendu dans sa partie, mais il sent une odeur… on dirait toujours qu’il sort d’une distillerie. Cela ne vaut rien. Il y a longtemps que je voulais vous en parler, et puis je ne sais comment cela m’est sorti de la tête. Il y a des moyens d’arranger la chose, quand même, comme il le prétend, son haleine sentirait l’eau-de-vie de nature. On pourrait lui conseiller de manger de l’oignon ou de l’ail, ou n’importe quoi. On a des médicaments pour cela, n’est-ce pas, Christian Ivanovitch ?

Le Médecin.

I, I, E, E.

Le Juge.

Ma foi, je ne sais trop s’il y aura moyen. Il dit que c’est un coup qu’il a reçu en nourrice, et depuis ce temps-là, il sent l’eau-de-vie.

Le Gouverneur.

Ce que je vous en dis, c’est seulement pour vous avertir. Quant à l’ordre qu’il y a ici, et à vos affaires intérieures qu’on vient éplucher, comme dit André Ivanovitch, je n’y comprends rien. Parbleu ! on le sait bien, il n’y a personne chez qui l’on ne trouve quelque chose à éplucher. Mais, c’est la providence qui le veut