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L’INSPECTEUR GÉNÉRAL

L’Administrateur.

Va pour des bonnets blancs. Cela n’est pas bien difficile.

Le Gouverneur.

Oui ; et il faudrait avoir à chaque lit un écriteau en latin ou dans n’importe quelle langue. — (Au médecin.) C’est votre affaire, Christian Ivanovitch, — Oui, à chaque malade : quand il est tombé malade… quel jour, et un numéro… Et puis, vos malades fument du tabac si fort qu’on éternue rien qu’en entrant… Oui ; et le mieux serait qu’il y eût moins de malades ; car on ne manquera pas de dire que c’est manque de soins de la part de l’administration, ou faute de science du médecin.

L’Administrateur.

Oh ! pour ce qui est du traitement, je m’en suis entendu déjà avec Christian Ivanovitch. Plus on se rapproche de la nature, et mieux cela vaut ! Nous n’employons pas de médicaments coûteux. L’homme est un être simple. S’il meurt, il meurt ; s’il guérit, il guérit. Avec cela que Christian Ivanovitch aurait de la peine à s’entendre avec les malades, attendu qu’il ne sait pas un mot de russe.

Le Médecin fait entendre un son entre I, I, et E, E.
Le Gouverneur, au juge.

Je vous conseillerais encore à vous, Ammos Fëdorovitch, de faire attention au tribunal. Dans votre salle des pas perdus, par exemple, où se tiennent les plaideurs, votre garçon de basse-cour met vos oies et leurs oisons, qui viennent vous caqueter entre les jambes. Sans doute c’est bien fait de s’occuper de ses intérêts domestiques. Vos gens font bien de garder vos oies… seulement, voyez-vous, dans cet endroit-là, il vaudrait mieux… Il y a quelque temps que je voulais vous en parler, et je ne sais comment je l’ai oublié…