Page:Mérimée - Les deux héritages, suivi de L'inspecteur général, 1892.djvu/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
253
L’INSPECTEUR GÉNÉRAL.

Le Gouverneur.

Et qu’est-ce donc à votre compte ?

Le Directeur.

Ma foi, ni ceci ni cela. Le diable sait qui c’est.

Le Gouverneur, avec emportement.

Comment ! ni ceci ni cela. Osez-vous bien l’appeler ceci et cela, et le diable sait qui ! Je vais vous faire arrêter.

Le Directeur.

Vous ?

Le Gouverneur.

Oui, moi.

Le Directeur.

De la douceur.

Le Gouverneur.

Savez-vous bien qu’il va épouser ma fille, que je vais être un grand personnage, et que je puis vous envoyer en Sibérie…

Le Directeur.

Oh ! la Sibérie ! Anton Antonovitch ! C’est loin, la Sibérie. Écoutez ce que je vais vous lire, cela vaut mieux. Messieurs, permettez-moi de vous lire cette lettre.

Tous.

Lisez, lisez.

Le Directeur, lisant.

« Je me hâte de te faire part, mon cher Triapitchkine, des étranges aventures qui m’arrivent. En route, je fus tondu rasibus par un capitaine d’infanterie, si bien que le maître d’hôtel, faute d’argent, voulait me faire mettre en prison, quand, à ma physionomie petersbourgeoise et à mon costume, toute la ville m’a pris pour un intendant général en tournée. Si bien que me voilà installé chez le gouverneur ; on est aux petits soins pour moi, et je fais la cour à mort à sa femme et à sa fille. Seulement,