Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/185

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

!... (Lisant ce qui est écrit sur la premièrepage du livre.) PRIX DE BONNE CONDUITE DONNE A DONA MARIA COLMENARES...Bonne conduite! Je suis pour lui une petite fille bien sage, c'est-à-dire bien ennuyeuse... unepetite fille, c'est-à-dire un être insignifiant que l'on ne peut aimer... ou que l'on aime comme unetourterelle apprivoisée... Mais, petites filles ou femmes, qu'importe ? il n'en peut aimeraucune. Il est prêtre, il n'est plus de ce monde. —Pourtant... il n'est point comme les autresprêtres ; il cause, il rit, souvent il me parle... Mais de quoi me parle-t-il, grand Dieu ! —desoiseaux que je nourris, des fleurs que je cultive. —Hier, comme il s'animait en décrivant lespalais de l'Alhambra ! (Avec tristesse.) Il en parlait à dona Francisca... et moi qui ai vul'Alhambra, quand j'ai voulu en dire un mot, il s'est tu, et la conversation s'est arrêtée là. DonaFrancisca a trois ans de plus que moi; mais que sait-elle que je ne sache ? que fait-elle que je nepuisse faire ? — Je chante mieux qu'elle, —je joue du piano et de la guitare mieux qu'elle. — Apeine danse-t-elle en mesure!... Hier j'ai remarqué que Fray Eugenio me regardait avec plaisirquand je dansais avec elle; ses yeux brillaient... ce n'était plus un austère ecclésiastique, il avaitl'air d'un jeune cavalier amoureux... C'était alors qu'il fallait lui donner cette fatale lettre quej'écris et que je déchire tous les jours. (Elle tire une lettre de son sein, et la parcourt des yeux.)Telle qu'elle est maintenant, elle n'est ni bien ni mal. —Chaque fois que je l'ai refaite, elle estdevenue plus froide; —mais aussi la première fois elle était trop inconvenante... Et puis ce quitouche quand on l'entend dire tout bas, fait rire de pitié quand on le lit... Que pensera-t-il de la fin? —J'ai eu tort de mettre : Je saurai mourir pour ne plus vous importuner. Je saurai mourir...Jamais il ne croira que la petite Mariquita sache mourir. Cela a l'air d'une menace, d'unebravade. Je saurai mourir, c'est une phrase de théâtre, et que l'on dit quand on va se frapper avecun poignard de bois... Cependant j'étais bien sérieuse en écrivant cela; —je pensais à mourir. —Le médecin dit que cela est si facile; une seule cuillerée du poison dont il nous parlait... uneconvulsion d'une minute... et alors