Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/194

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en conjure... par pitié... rendez-la moi, Fray Eugenio... Vous me tuez... Ah ! ne la lisez pasici,
FRAY EUGENIO : Que faites-vous ? remettez-vous, quelqu'un vient.
DONAMARIA : Ne la lisez pas ici... ou rendez-la moi.
RITA, entrant : Monsieur l'abbé, madame la supérieure vous attend pour prendre le chocolat.
FRAY EUGENIO : Je viens. (À dona Maria.) Je lirai cela tantôt.
Il sort avec Rita.

SCÈNE V


DONAMARIA, seule.J'ai donc livré mon secret... je l'ai livré sans espoir que Fray Eugenio réponde à mon amour... aumoment où je venais de voir clairement son indifférence pour moi. —Qu'ai-je dit?... sonindifférence !... il est prêtre, il est dévot, il est honnête homme; ainsi plus d'espérance pour moi.Je devrais, plutôt que d'attendre ses reproches... — Pourtant... s'il m'aimait... s'il pouvaitm'aimer... mais non; il n'aime que Dieu. Quelquefois sa voix est si douce... si tendre même... Toutà l'heure, j'ai cru un moment que ce n'était plus un prêtre... mais, lorsque j'allais parler, sonexpression est devenue si sévère, que mon courage s'est glacé... Cette soirée... quand je dansaisavec Francisca, lorsqu'il était comme enivré par le spectacle de nos plaisirs, alors, j'aurais dû luiavouer mon amour. —Francisca!... elle dansait avec moi... Oh ! non, elle ne l'aime pas. Si elleaime, elle a donné son coeur à quelque officier... — II lui parle souvent... mais... non, il ne luiparle pas d'amour... Francisca ne pourrait pas... Un prêtre! Moi seule... Quel péché, mon Dieu !aimer un prêtre ! Il n'y a que moi au monde qui puisse éprouver un amour si affreux, si criminel...et cela me rassure, misérable que je suis... mon crime me rassure ! Au moins je n'aurai pas derivale... — II a peut-être ouvert ma lettre... S'il la lisait maintenant?... Sans doute elle excite sacolère, son indignation... Une femme s'abaisser à ce point!... Peut-être il rit de moi, et il dit, enhaussant les épaules :