Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/208

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l'argent, et beaucoup d'argent. Je te l'avouerai à ma honte, chère Mariquita, quelquefoisdans notre chapelle, en regardant cette petite statue de la Vierge ornée de tant de pierreries, uneenvie violente m'est venue de m'emparer de toutes ces richesses, et de me sauver avec Eugenio enles emportant. Cette idée-là m'a valu de belles morales d'Eugenio.
DONAMARIA : II fallait t'adresser à moi; tu sais que je suis riche : je puis disposer d'une sommeconsidérable en dépôt chez mon banquier, et j'ai en ma possession des bijoux qui sont, m'a-t-ondit, d'un prix fort élevé.
DONAFRANCISCA : Généreuse amie, comme je reconnais là ma bonne Maria ! mais je nepourrais pas accepter de toi un sacrifice si considérable.
DONAMARIA : Un sacrifice ! de l'argent !
DONAFRANCISCA : Eugenio ne voudrait jamais accepter de l'argent d'une femme; je leconnais trop bien : il est fier et même un peu hautain; mais voici notre plan. Eugenio travailleavec ardeur à son ouvrage sur les pères de l'Église, et du produit qu'il en retirera...
DONAMARIA : Folie ! mes seules boucles d'oreilles en diamants se vendront plus cher que tousles ouvrages qu'il pourra faire.
DONAFRANCISCA, un peu piquée : Je ne doute pas que tes boucles d'oreilles en diamants nevaillent beaucoup d'argent; mais le livre d'Eugenio est rempli de mérite, c'est un ouvrage quimanquait à la science. Il le vendra ce qu'il voudra... — au moins assez cher pour nous menerjusqu'à la Jamaïque, où nous pourrions nous établir. Lui, donnerait des leçons d'espagnol et delatin; et moi, je broderais et je ferais la cuisine. Oh ! comme cela sera amusant !
DONAMARIA : Oui; mais, avant que cet ouvrage sublime soit terminé, si vous étiezdécouverts... Accepte ces diamants et pars; vivez heureux ensuite... si vous pouvez.
DONAFRANCISCA : Nous ne pouvons recevoir un présent d'une telle valeur, mon amie; mais,si tu l'exiges, je demanderai à Eugenio la permission de t'emprunter assez d'argent pour fréter unpetit bâtiment jusqu'à la Jamaïque.
DONAMARIA : Je n'ai pas besoin de mes diamants, je ne