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SCÈNE XI


DONAMARIA, FRAY EUGENIO
FRAY EUGENIO, à part : La pauvre enfant est toute tremblante, elle me fait peine.
DONAMARIA, à part : II hésite à me parler.
FRAY EUGENIO, lui rendant sa lettre ouverte : Dona Maria, voici votre lettre, je l'ai lue.
DONAMARIA : Vos reproches sont inutiles, Fray Eugenio ; vous pouvez me les épargner.
FRAY EUGENIO : Non, dona Maria, je ne vous ferai pas de reproches, car je suppose que votreconscience a déjà parlé, et que vous vous repentez au fond de votre âme de m'avoir écrit cetétrange billet. La confusion que je lis sur votre visage me prouve que le coeur n'est pointcorrompu chez vous, et que la tête seule, qui est folle par trop de jeunesse, vous a conseillé cetteétourderie. Je pourrais vous faire sentir combien il est mal, je dirai presque impie, de tenir unlangage aussi... mondain à un ministre du Seigneur, qui est lié par des voeux solennels. Il faut quema conduite ait été bien légère et bien répréhensible pour que vous ayez pu douter à ce point dema piété. Je suis sans doute aussi coupable que vous, et je n'ai pas le droit de me plaindre. Mais,ma pauvre enfant, je ne veux que vous montrer quelle était votre folie. Je suppose, pour uninstant, que j'eusse pu oublier les serments que j'ai prononcés à la face des autels, que je me fusserendu coupable d'une action criminelle pour tout homme, sacrilège et abominable pour un prêtre;à quelle suite de malheurs ne vous seriez-vous pas condamnée ! Un homme du monde qui séduitune jeune fille peut toujours réparer sa faute : un prêtre ne le peut. Le mystère et la prudencecachent un temps le crime aux yeux du monde, mais tôt ou tard le secret est connu, et le scandaleest énorme. Votre réputation, le bien le plus précieux d'une femme, serait perdue à jamais; et,pour quelques jours passés au milieu de faux