Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/226

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sorte… un motif de vengeance… s’il est permis d’appeler vengeance… ce qui ne peut nuire… car Votre Altesse sans doute ne lui en voudra point… puisque après tout… il ne s’agit que de bagatelles.

Le Vice-Roi.

Quelles bagatelles ? Explique-toi.

Martinez.

Oh ! rien de sérieux. Il est certain que la señora Perichole vous aime… Votre Altesse est si bonne ! qui pourrait ne pas l’aimer ?… Peut-être était-ce par pure méchanceté qu’on me le disait… car, comme l’observait fort bien Votre Altesse tout à l’heure, le monde est méchant.

Le Vice-Roi.

Qu’est-ce qu’on te disait ?

Martinez.

Il ne faut pas que Votre Altesse attache de l’importance à ce qu’il me disait, car ce n’est que le premier garçon du marchand des soieries de la rue du Callao… Et je ne devrais peut-être pas redire à Votre Altesse les propos que tiennent les personnes de cette classe… Votre Altesse ne daignera peut-être pas les entendre, mais enfin, Votre Altesse m’a commandé de dire ce que je sais, et je ne puis dire que ce qu’on m’a dit.

Le Vice-Roi.

Corps du Christ ! dis donc ce qu’on t’a dit.

Martinez.

Ce jeune homme, qu’on appelle Luis Lopez, et qui appartient d’ailleurs à une honnête famille, m’a dit, comme nous parlions de soieries, qu’il avait vendu l’autre jour huit aunes de satin cramoisi au capitaine Hernan Aguirre, qui l’avait payé, sans marchander, dix ducats l’aune.

Le Vice-Roi

Au fait !

Martinez.

Eh bien ! monseigneur, Luis Lopez prétendait avoir vu ce même satin cramoisi façonné en robe, et porté par la señora Perichole. Vous souvenez-vous de la robe qu’elle avait dimanche soir ? C’est celle-là même. — Mais rien de plus probable que Luis Lopez se sera trompé… d’autant plus que le capitaine en payant disait : « Je ne marchande pas, car c’est pour ma maîtresse. »

Le Vice-Roi.

Pour sa maîtresse !

Martinez.

Preuve, selon moi, qu’il se trompait… Moi, je lui ai parlé vertement, et je lui ai dit ce que je pensais de sa belle histoire… Mais, si je l’avais cru, il m’en aurait conté bien d’autres.