Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/242

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Le Vice-Roi.

Quel joli petit pied ! Je le cache tout entier dans ma main. À propos, tu dis que son neveu est un gaillard qui a de l’intelligence ? Je le prends à mon service à la place de Martinez.

La Perichole.

Non, je ne veux déplacer personne. D’ailleurs, Martinez vous est utile. Il fait de bons rapports.

Le Vice-Roi.

Rancunière ! — Va ! il couchera ce soir au Callao.

Balthasar rentrant.

La voiture est attelée.

Le Vice-Roi.

Allons, ma toute belle, amuse-toi bien, et reviens tout de suite après la cérémonie. Si quelqu’un te faisait quelque affront, ne manque pas de m’en prévenir. Vive Dieu ! les mauvais plaisants ne riraient plus… Et ton collier et tes bagues que tu oubliais. Approche, que je te rattache ton collier… Va, tu es divine aujourd’hui.

La Perichole.

J’emporte d’ici quelque chose de plus précieux que ces diamants : ta confiance et ton amour.

Elle sort.

Le Vice-Roi.

Tu es un ange. Cette fille-là fait de moi ce qu’elle veut. Il est vrai qu’elle m’aime tant… Je ne puis rien lui refuser… Cependant… lui donner mon carrosse !… Je ne sais ce que le monde en pensera… ! Une actrice en carrosse doré, tandis que tant de marquises et tant de comtesses sont trop heureuses d’aller en litière !… J’imagine que la cérémonie doit être terminée… Elle n’arrivera que pour l’exhortation de l’évêque… Tant mieux… Ah ! j’entends le bruit des roues dans ma cour. Elle n’a pas perdu de temps… Balthasar, roulez mon fauteuil auprès de la fenêtre, et donnez-moi ma longue-vue. Je veux voir quel air a ce carrosse… Parbleu ! je la verrai jusqu’à la porte de l’église… Peste ! comme elle va !… Jamais mon cocher ne me mène de ce train-là… Tout le monde s’arrête pour la regarder… En voilà qui ôtent leur chapeau, comme si c’était moi qui passais… Quelle folie !… La voilà déjà près de la grande place… Bon Dieu ! elle va accrocher… Ah ! Jésus ! heureusement que c’est l’autre carrosse qui est renversé… Et tout le monde qui s’attroupe… Que va-t-on faire ?… On va peut-être l’insulter… Balthasar, allez donc…