Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/83

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DOMINGO - Moi, je pestais après cet imbécile de grand-inquisiteur.

RAFAEL - Que le diable l’emporte !

DOMINGO - Chut ! Il y a un écho ici. — Au large ! voici notre saint.


(Ils se séparent et se mettent à lire leur bréviaire, chacun d’un côté de la scène. — Entre Antonio en grand costume).


ANTONIO - Mes très révérends pères, nous allons aujourd’hui nous occuper d’une affaire bien importante, et pour laquelle je vois que vous vous préparez. Nous allons procéder contre une sorcière, une femme qui a fait un pacte avec le diable, mes pères ! L’esprit de ténèbres a, dit-on, donné à cette malheureuse un pouvoir surnaturel. Mais rassurons-nous, la croix que nous portons serait une défense contre les griffes du malin, s’il pouvait pénétrer dans les murs bénits du Saint-Office.

DOMINGO - Satan perdrait son temps ici.

ANTONIO - Hélas ! mes pères, ne dites pas cela. La chair est faible, le vase est fragile. Pour moi, malheureux pécheur, ma seule force, c’est la connaissance de ma faiblesse. Vous, une longue vie passée dans la sainteté vous a rendus invulnérables aux tentations ; — mais moi, je suis jeune d’années et jeune d’œuvres pies. Ah ! que j’ai besoin de vos sages conseils pour me diriger au milieu des écueils de cette vie !

RAFAEL - Nous avons tous besoin de conseils.

DOMINGO - Avertis l’un par l’autre nous résisterons mieux aux attaques du démon.

ANTONIO - « Seigneur, ne m’exposez pas aux tentations ! » Voilà ma prière à tous les instants du jour. Il est si facile de succomber ! Quelque vigilance que l’âme mette à se garder, l’ennemi des hommes est un serpent subtil, la plus petite brèche lui suffit, et une seule goutte de son venin peut grangrener une âme à jamais. Sans doute, j’aurais déjà succombé sans l’intercession de mon bienheureux patron, monseigneur saint Antoine.

RAFAEL, à part. — Il a quelque chose sur la conscience. Cela doit être curieux. (Haut). A quelle tentation si puissante Dieu a-t-il permis que vous fussiez exposé ?