Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/91

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Dieu lui-même n’a-t-il pas reçu mes vœux, et son enfer n’est-il pas brûlant pour les parjures ? (Une pause). Je suis déjà trop coupable !… Plus de salut pour moi… Ma piété, un seul coup d’œil de cette femme l’a déracinée… je n’ai plus la force de me retenir au bord du gouffre… eh bien ! je m’y veux élancer !… Enfer, ouvre-toi !… (Il sort en courant).



SCENE III

Une chambre du palais de l’inquisition.


MARIQUITA, seule, assise au pied de son lit. — Pauvre Marie, où es-tu ? que deviendras-tu ? Mariquita la folle à l’inquisition ! cela me ferait rire… La pauvre folle sera pourtant brûlée… Oh ! cela fait frissonner !… cela fait tant de mal de se brûler à la chandelle, et tout son corps dans la flamme ! (Pleurant). Là ! ils veulent me brûler, moi qui suis si bonne catholique ! moi qui n’ai pas voulu épouser le caporal Hardy seulement parce qu’il était hérétique ; et c’était un si bel homme ! cinq pieds neuf pouces ! et puis, si je l’avais suivi en Angleterre, le capitaine O’Trigger l’aurait fait sergent comme il l’avait promis, et moi j’aurais été cantinière… Ah ! que j’ai été bête ! — DAMN THEIR EYES, comme ils disaient, au diable ces cafards ! Ce sont tous des libertins. Peut-être que ces deux gros joufflus qui m’ont dit de belles paroles empêcheront le grand maigre de me mettre au feu ! Brrrr ! ne pensons plus à cela. Le mal vient assez vite. Bah ! vive la joie ! chantons, pour nous distraire, cette chanson qu’ils prennent pour de l’hébreu. (Elle chante).


« Ils mirent Grain-d’orge sur le carreau pendant qu’ils lui préparaient de nouveaux tourments ; et, sitôt qu’il donnait signe de vie, ils le secouaient et le retournaient.

« Puis sur une flamme dévorante ils desséchèrent la moelle de ses os… » Hélas ! pauvre Grain-d’orge ! comme il devait souffrir ! et c’est comme cela que je souffrirai, moi. Hélas ! faut-il que je sois brûlée !


ANTONIO, entrant. — En ce monde - et dans l’autre.

MARIQUITA, s’éloignant avec effroi. — Ha ! déjà ! quoi, déjà !