Page:Maindron - Dans l’Inde du Sud.djvu/201

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Tout cela n’est que demi-mal tant qu’on est éveillé. Mais dès que je me couche, avec le vague espoir de dormir, tous ces bruits se font plus mystérieux, s’enflent, se transforment. On dirait que le sol s’anime et se change en des légions d’êtres rampant, glissant, grinçant, soufflant, sautant. Ils s’appellent et se répondent. Les murs aussi paraissent vivre, et le toit, d’où les geckos poussent leur mélancolique chanson à deux notes. Et par-dessus tout broche le susurrement ininterrompu des moustiques, véhicules de la fièvre, cherchant avec persévérance le moindre défaut des rideaux de gaze où je me figure être en sûreté.

Les nuits de l’Inde n’ont pas encore eu leur poète, elles méritent pourtant d’être chantées, avec l’insomnie, le cauchemar, précurseurs de l’anémie fiévreuse, et qui vous rappellent qu’on n’est point là sur une terre amie. Une fois que les ténèbres la couvrent, cette terre reprend la lutte éternelle contre l’envahisseur et, par ses mille voix, lui conseille de fuir s’il ne veut pas être gardé. Je sens planer autour de moi tous les grands dieux dépossédés, dont la femme de Dupleix a fait renverser les temples et qui se plaignent de ce qu’on ne les ait point recon-