Page:Maindron - Dans l’Inde du Sud.djvu/202

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struits. Ils peuplent la nuit de leurs murmures implacables, j’entends le bruissement de leurs ailes, la plainte de l’air agité par leurs cent bras.

Le paon de Soubramanyé s’éploie au-dessus de ma tête, et ses griffes laissent échapper le naja qui tombe sur moi en sifflant. Garouda à la tête blanche me menace de son bec, le canard brahme cher a Sarasvati m’inonde de l’eau du Gange. Bien mieux, la déesse Ganga elle-même rampe, crocodile monstrueux, sur ma couche, et le chien sauvage de Vaïrever glapit à mes oreilles. Ils m’apparaissent tous, Kali la noire avec son collier d’ossements, Virapatrin coiffé d’une tiare flamboyante. Le Pouléar brandit sa trompe, Mariammin danse avec le démon à figure de bouc auquel elle se prostitua. Le Bouddha se balance sur une fleur de lotus, adoré par la déesse verte Tara. Et enfin, c’est Vishnou, sous les espèces du cheval destructeur qui annonce la fin du monde. Telles sont mes nuits dans cette ville française, fière de son antique civilisation, où se voit la statue de Dupleix porteur d’une épée qu’il ne tira jamais du fourreau. Ville française que la charité ou la dérision de l’étranger a laissé vivre