Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/502

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tinct, bien terminé, propre pour être imaginé avec facilité, et par conséquent pour rendre l’esprit attentif et lui conserver l’évidence dans les vérités qu’il cherche, il faut rapporter toutes les grandeurs que nous considérons à de simples surfaces terminées par des lignes et par des angle droits, comme sont les carrés parfaits et les autres figures rectangles, ou bien à de simples lignes droites ; car ces figures sont celles dont on connaît plus facilement la nature.

J’aurais pu attribuer aux sens le secours que l’on tire de la géométrie pour conserver l’attention de l’esprit ; mais j’ai cru que la géométrie appartenait davantage à l’imagination qu’aux sens, quoique les lignes soient quelque chose de sensible. Il serait assez inutile de déduire ici les raisons que j’ai eues, puisqu’elles ne serviraient qu’à justifier l’ordre que j’ai gardé dans ce que je viens de dire, ce qui n’est point essentiel. Je n’ai point aussi parlé de l’arithmétique ni de l’algèbre, parce que les chiffres et les lettres de l’alphabet dont on se sert dans ces sciences ne sont pas si utiles pour augmenter l’attention de l’esprit que pour en augmenter l’étendue, ainsi que nous expliquerons dans le chapitre suivant.

Voilà quels sont les secours généraux qui peuvent rendre l’esprit plus attentif. On n’en sait point d’autres, si ce n’est la volonté d’avoir de l’attention ; de quoi on ne parle pas, parce qu’on suppose que tous ceux qui étudient veulent être attentifs à ce qu’ils étudient.

Il y en a néanmoins encore plusieurs qui sont particuliers à certaines personnes, comme sont certaines boissons, certaines viandes, certains lieux, certaines dispositions du corps, et quelques autres secours dont chacun doit s’instruire par sa propre expérience. Il faut observer l’état de son imagination après le repas et considérer quelles sont les choses qui entretiennent ou qui dissipent l’attention de son esprit. Ce qu’on peut dire de plus général, c’est que l’usage modéré des aliments qui font beaucoup d’esprits animaux est très-propre pour augmenter l’attention de l’esprit et la force de l’imagination dans ceux qui l’ont faible et Ianguissante.


CHAPITRE V.


Des moyens d’augmenter l’étendue et la capacité de l’esprit. Que l’arithmétique et l’algèbre y sont absolument nécessaires.


Il ne faut pas s’imaginer d’abord que l’on puisse jamais augmenter véritablement la capacité et l’étendue de son esprit. L’âme de l’homme est pour ainsi dire une quantité déterminée ou une portion de pensée qui a des bornes qu’elle ne peut passer ; l’âme