Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/620

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très-difficilement ; et ceux qui ne savent pas le même auteur, n’entendraient que confusément les raisons que je pourrais en apporter.

Je ne m’arrêterai point aussi à résoudre un très-grand nombre de difficultés que je prévois pouvoir être faites contre ce que je viens d’établir, parce que, si ceux qui les font n’ont point de connaissance de la véritable physique, je ne ferais que les ennuyer et les fâcher au lieu de les satisfaire ; mais si ce sont des personnes éclairées, leurs objections étant très-fortes, je ne pourrais y répondre qu’avec un grand nombre de figures et de longs discours. De sorte que je crois devoir prier ceux qui trouveront quelque difficulté dans les choses que je viens de dire, de relire avec plus de soin ce chapitre ; car j’espère que s’ils le lisent et s’ils le méditent comme il faut, toutes leurs objections s’évanouiront ; mais enfin, s’ils trouvent que ma prière soit incommode, qu’ils se reposent, car il n’y a pas grand danger d’ignorer la cause de la dureté des corps.

Je ne parle point ici de la contiguïté, car il est visible que les choses contiguës se touchent si peu, qu’il y a toujours beaucoup de matière subtile qui passe entre elles, et qui faisant elïort pour continuer son mouvement en ligne droite les empêche de s’unir.

Pour l’uníon qui se trouve entre deux marbres qui ont été polis 1’un sur l’autre, je l’ai expliquée ; et il est facile de voir que, quoique la matière subtile passe toujours entre ces deux parties si unies qu’elles soient, l’air n’y peut passer, et qu’ainsi c’est son poids qui comprime et qui presse ces deux parties de marbre l’une sur l’autre, et qui fait qu’on a quelque peine à les désunir, si l’on ne les lait glisser de travers.

ll est visible de tout ceci que la continuité, la contiguïté et l’union des deux marbres ne seraient que la même chose dans le vide, car nous n’en avons point aussi d’idées différentes, de sorte que c’est dire ce qu’on n’entend point que de les faire différer absolument, et non par rapport aux corps qui les environnent.

Voici présentement quelques réflexions sur le sentiment de M. Descartes, et sur l’origine de son erreur. J’appelle son sentiment une erreur, parce que je ne trouve aucun moyen de défendre ce qu’il dit des règles du mouvement, et de la cause de la dureté des corps vers la fin de la seconde partie de ses Principes en plusieurs endroits, et qu’il me semble avoir assez prouvé la vérité du sentiment qui lui est contraire.

Ce grand homme concevant très-distinctement que la matière ne peut pas se mouvoir par elle-même, et que la force mouvante