Page:Mallarmé - Les Dieux antiques.djvu/40

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Quelque chose donne à la mythologie védique ou hindoue primitive une valeur toute spéciale : c’est qu’elle offre la clef de celle des Perses, des Grecs, des Latins et d’autres peuples. Ainsi les noms sous lesquels les Grecs désignaient différents dieux et héros, sont dans les Védas de pures épithètes sur la signification desquelles nul ne saurait se méprendre, et l’on peut suivre les légendes les plus compliquées et en retrouver la racine dans quelque phrase extraite des plus anciens de tous les poèmes, les Védas. Cette phrase, dans ces poèmes, présente simplement un incident ou un phénomène mêlé au cours des choses qui forment le monde extérieur. Je citerai quelques exemples. Dans les Védas, Arjuni, Brisaya, Dahana, Ushas, Sarama et Saranyu sont des noms de la lumière du matin ; pour les Grecs, c’étaient autant d’êtres particuliers qu’ils connaissaient sous la forme d’Argynnis, de Briséis, de Daphné, d’Éos, d’Hélène et d’Érinnys. Les Védas parlaient du Panis, cause par ses tentations de l’infidélité de Sarama ; pour les Grecs, ce texte devient le rapt d’Hélène par Pâris et la légende multiple de la guerre de Troie.

Maintenant il faut distinguer la mythologie hindoue primitive d’avec celle des derniers temps. La mythologie tardive est aussi inextricable que la primitive est simple ; mais la façon dont le système mythique s’est développé dans l’Inde jette la plus vive lumière sur l’évolution semblable qui s’est accomplie dans les autres contrées. Notamment il n’y a pas, dans les très-vieux poèmes, de généalogies ou de mariages réglés entre les dieux. La sœur dans cette légende est la femme, ou la mère dans cette autre ; et l’on parle du même être en différentes occasions