Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/29

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d’approchant. J’évoquais les grands poètes du romantisme ; je commençais et finissais par ce vers :

   Ces hommes demi-dieux vous les avez connus !

Lorsque j’eus terminé ma lecture, Mme Labarre fondit en larmes. J’en fus bouleversé. Je protestai que je n’avais pas précisément visé un pareil résultat. Elle sourit à travers ses larmes, et m’embrassa en me disant tout le plaisir que je venais de lui procurer.

Son portrait serait incomplet si je n’ajoutais combien elle aimait à admirer, si je ne soulignais la franchise de son rire, et la finesse avec laquelle elle contait des anecdotes parfois scabreuses. Un jour où un de mes amis avait plaisanté devant elle à tort et à travers, elle le considéra d’un œil curieux, et dit, comme se parlant à elle-même :

— Ce Jacques !… Ce qu’il doit être amusant dans l’intimité !…

Sur le moment, je ne saisis pas la portée de cette réflexion d’apparence inoffensive. Plus tard, je compris. Mme Labarre s’apparentait à ces femmes délicieuses que furent nos grand’mères du siècle poudré, dont l’esprit, autant que la compétence en amour, demeurent indiscutables.

On devine l’aliment fourni à mon imagination par cette femme exceptionnelle, qui avait approché les hommes dont je faisais mes idoles. Je n’étais pas exempt de cette curiosité qui pousse tant de lecteurs à savoir comment sont faits leurs auteurs préférés, et leur manière de se comporter dans l’ordinaire de l’existence. La mienne recevait satis-