Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/291

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Voici le dieu : Chateaubriand se glisse modeste ment parmi les rangs serrés de ses admirateurs. L’acteur Lafon, de la Comédie-Française, prend place au guéridon, et commence la lecture du pre mier acte, entrecoupée d’exclamations admiratives du public, et parfois d’hésitations singulières du lecteur, que l’on s’explique mal. Lorsque Lafon attaque le deuxième acte, il devient évident qu’il n’a pas pris la peine d’étudier son manuscrit. Il hésite, balbutie, s’interrompt… Au chœur des filles Amalécites, l’auditoire supplie l’auteur de lui prendre le manuscrit des mains, et de le lire lui même. Chateaubriand se résigne. Mais voici qu’à son tour il hésite, balbutie, et dénonce une lacune dans son manuscrit. « Alors la voix émue d’une personne qui eût été digne de faire les vers oubliés, et dont la mémoire les avait à moitié retenus sur une première lecture, Mme Gay, pourquoi hésiter à la nommer ? les a soufflés avec un zèle mêlé de quelque trouble et de quelque incertitude. Il faudrait avoir vu tout ce que cette émotion d’un autre poète avait de touchant, et deviner tout ce que le sourire de l’auteur de Moïse exprimait de reconnais sance, pour se faire une idée de cette scène. »

Chateaubriand lit maintenant le troisième acte. Il scande les strophes d’un chœur : mouvements de gaieté dans l’auditoire, sourires des dames dissimulés derrière les éventails… Par amour de la couleur, l’auteur n’a pas suffisamment gazé certains passages trop bibliques. Comme l’écrit Ballanche à Mme Lenormant : « Madame votre tante était sur les épines ». Il y avait de quoi ! Heureusement, le quatrième acte