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et que la haute société accueille à bras ouverts. Malheureusement, parfois Steibelt exagère. Un soir, chez Mme de Brisay, pris d’un caprice, il refuse de jouer ; le comte de Goltz, ambassadeur de Prusse, lui dit :

— Jouez tout de suite, monsieur, je vous l’ordonne.

Steibelt obéit sans barguigner. Le comte de Goltz peut le perdre, le sachant fugitif contumace de Berlin, où les juges, qui s’y trouvaient en ce temps-là, l’ont condamné pour vol. Et cette vocation étant en lui aussi forte que la vocation musicale, il vole le vicomte de Ségur, il vole son ami de Norvins, d’autres encore, et file à Londres, où il recommence ses exploits, et où on le jette en prison[1].

Il a cependant fait de Sophie de La Valette une excellente pianiste.

À quinze ans, la voici donc douée de talents remarquables, de qualités multiples que son aspect ne dément pas : jolie brune piquante, ses yeux lancent des regards pleins de feu, plus faits pour exprimer l’ardeur ou la malice que la tendresse ; sa taille souple, charmante, demeurera jusqu’à la fin « une taille et une tournure bien françaises »[2].

La Révolution ruine son père, la Révolution qui détruit tant de choses ! Cependant des habitudes, et non toujours des plus heureuses, échappent à son action : telle, dans la haute société, la mode des

  1. J. de Norvins : Souvenirs d’un historien de Napoléon, mémorial, Paris, 1896. trois volumes in-8°, l, p. 171.— Fétis : Biographie universelle des musiciens. — Sainte-Beuve : Lundis, VI, p. 54.
  2. Sainte-Beuve : Lundis, VI, p. 53.