Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/61

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un coin du salon pour qu’on aille l’y chercher : « la violette de l’Institut », une violette prétend-on, en procès avec toute sa famille. Il conserve une haine farouche contre Fabre d’Églantine, ce septembriseur qui imagina de remplacer les noms des saints du calendrier par des noms de légumes :

— J’ai cherché, dit Ségur, celui qui avait pris la place de mon patron : il se trouva que je m’appelais Chou-frisé.

Ce nom s’accorde si bien aux frisures de la coiffure à l’ancienne mode arborée par le vicomte, que Sophie Gay rit de bon cœur.

Le gros monsieur poudré qui cause avec Colin d’Harleville est Desfaucherets, l’auteur du Mariage secret ; il possède à un degré éminent le genre d’esprit à la mode, parle avec aisance, et cultive le jeu de mots[1]. Près d’eux, la figure spirituelle de Népomucène Lemercier ; celui-là, Sophie Gay le reconnaît : en 1797, un de ses amis le lui amena dans sa loge le soir de la première représentation d’Agamemnon, où Lemercier triompha. Le public appelait l’auteur à grands cris ; chose difficile, il sut répondre aux compliments sans ridicule présomption ni hypocrite modestie. Sophie s’étonne d’apercevoir Alexandre Duval, un ami de son mari ; elle sait que récemment il refusa une modification réclamée par Mlle Contat à son rôle dans Édouard en Écosse, alors en répétitions ; Mlle Contat lui jeta le rôle à la tête ; il jura que si l’on y changeait un iota, il retirerait sa pièce. Mais une brouille entre

  1. Arnault : Souvenirs d’un sexagénaire, Paris, 1833, quatre volumes in-8°, I, 309.