Page:Malo - Une muse et sa mere.pdf/62

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gens aussi nécessaires l’un à l’autre ne pouvait durer longtemps.

Ségur désigne encore Emmanuel Dupaty, qui signa avec lui l’Opéra-comique, un petit acte auquel Sophie Gay accorda les honneurs de la scène dans sa maison de campagne de Fontenay-le-Bel, et enfin M. de Parny, le fils du poète érotique, récemment marié avec Mlle Contat — soit dit en confidence, — mariage tenu secret jusqu’au jour où elle quittera la Scène.

Justement, elle s’avance vers le vicomte. La table et le verre d’eau, classiques depuis le règne de Louis XIV où commença le goût des lectures[1], attendent toujours Legouvé. Or, Legouvé est en retard, à son habitude : il faut distraire les invités et calmer leur attente. L’antique bat son plein : on a donné à Mlle Contat une lyre d’invention nouvelle, qui remplace la guitare. Mlle Contat apporte cet instrument au vicomte de Ségur, et le prie de s’accompagner une chanson. D’autres ont refusé, parce que la lyre oblige à une position ridicule. Ségur se dévoue. Quel air, avec cette lyre, ses cheveux frisés et poudrés, ses mines de l’ancienne cour, sa voix frêle, sa prononciation périmée ! Sophie Gay n’avait pas alors « cette charitable hypocrisie qui sait jouir des ridicules en silence ». Elle éclate de rire, tout le salon en fait autant, y compris le chanteur, qui s’installe devant une glace pour jouir du comique de sa propre pose.

Legouvé arrive enfin. Il s’assied devant le verre

  1. Jouy : l’Hermite de la Chaussée d’Antin, Paris, 1814, cinq volumes, in-12, III, 43.