Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/179

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eût été rendue. Même par les nuits d’été les plus étouffantes, si la plus légère trace de transpiration avait souillé ses vêtements de nuit, il en parlait avec emphase comme d’un accident qui l’avait choqué au plus haut point.

Et, puisque nous sommes en train d’exposer les notions qu’entretenait Kant sur l’économie animale, il pourra être bon d’ajouter un autre détail, qui est que, par crainte d’arrêter la circulation du sang, il ne portait jamais de jarretières. Cependant, comme il avait trouvé difficile de garder ses bas tirés sans leur aide, il avait inventé à son usage un appareil extrêmement élaboré que je vais décrire. Dans un petit gousset, un peu plus petit qu’un gousset de montre, mais occupant assez exactement la même place qu’un gousset de montre au-dessus de chaque cuisse, était placée une petite boîte assez semblable à un boîtier de montre, mais plus petite. Dans cette boîte avait été introduit un ressort de montre roulé en spirale, et autour de cette spirale était placée une cordelette élastique dont la force était réglée par un mécanisme spécial. Aux deux extrémités de cette cordelette étaient attachés des crochets : ces crochets passaient à travers une petite ouverture du gousset, descendaient ainsi tout le long du côté interne et externe de la cuisse et allaient saisir deux œillères fixées à la partie extérieure et intérieure de chaque bas. Ainsi qu’on peut bien le supposer, une machinerie si compliquée était soumise, comme le système céleste de Ptolémée, à des dérangements occasionnels. Mais, par bonne fortune, j’étais alors capable de remédier facilement à ces désordres qui autrement eussent menacé de troubler le confort et même la sérénité du grand homme.