Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/79

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Giroflée

Je me suis embarqué à douze ans, contre le gré de mes parents. J’eus le malheur d’avoir, pour mon coup d’essai, un méchant capitaine : cela se rencontre quelquefois. Je ne connaissais encore que par ouï-dire les choses de la mer ; et lorsque j’en eus tâté pendant huit jours, je regrettai amèrement ma folie. “Hélas, me disais-je, faut-il que j’aie quitté de bons parents pour un capitaine cruel qui ne cesse de me maltraiter ?” Cependant je trouvai sur le bateau un ami que j’aimai fort ; c’était un bon Français, railleur et goguenard, mais aussi bon enfant qu’il était moqueur. Au bout de huit jours nous nous taquinions comme des amis et nous nous aimions comme des frères. C’était un homme d’une trentaine d’années, fort, et de muscles puissants ; bien que simple matelot, il en savait plus long que le second, et en aurait remontré peut-être au capitaine. Quand