Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/16

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connaissance de Gallus. Le prince s’en émut ; et comme le général de la cavalerie était occupé au loin, il enjoignit à Nébride, comte d’Orient, de rassembler des forces de tous côtés, pour dégager à tout prix une possession si importante et par la grandeur de la ville et par les avantages de sa situation. A cette nouvelle, les Isauriens décampent ; puis, sans rien tenter de plus qui soit digne de remarque, ils se dispersent, suivant leur tactique ordinaire, et regagnent leurs monts inaccessibles.

III. Les choses en étaient là du côté de l’Isaurie. Le roi de Perse alors se trouvait engagé de sa personne dans une guerre de frontières avec des peuplades belliqueuses qui tour à tour, suivant le caprice du moment, sont pour lui des voisins hostiles ou des auxiliaires contre nous. Mais l’un de ses grands officiers, nommé Nohodarès, avait mission de harasser la Mésopotamie, et surveillait nos mouvements avec une inquiète vigilance, épiant le moment propice pour une irruption. Nobodarès, qui savait que cette contrée, constamment exposée aux insultes, était gardée dans toutes les directions par des postes et des ouvrages de défense, crut devoir faire un circuit sur la gauche, et alla s’embusquer sur la lisière de l’Osdroène ; manœuvre dont il est peu d’exemples, et qui, si elle eût réussi, aurait eu les effets de la foudre. On va pouvoir en juger.

A peu de distance de l’Euphrate, en Mésopotamie, on trouve Batné, fondée autrefois par les Macédoniens, aujourd’hui ville municipale. C’est la résidence d’un grand nombre de riches négociants, et le centre d’un commerce très actif, tant en produits de l’Inde et de la Sérique, qu’en denrées de toute provenance qui affluent sur ce marché par terre et par mer, et chaque année, dans les premiers jours de septembre, y attirent en foule des trafiquants de tous degrés. C’étaient précisément ces jours d’encombrement et de tumulte que Nohodarès avait marqués pour un coup de main. Il attendait le moment, caché parmi les hautes herbes des rives solitaires de l’Aboras ; mais sa présence nous fut révélée par quelques-uns des siens que la crainte d’un châtiment avait fait déserter. Dès lors il abandonna son embuscade sans oser frapper un seul coup, et parut s’endormir dans une complète inaction.

IV. D’un autre côté, les Sarrasins, que je ne nous souhaite ni pour amis ni pour ennemis, se montraient soudain, tantôt sur un point tantôt sur un autre, déprédateurs rapides de tout ce qui se trouvait sur leur chemin, et pareils au milan ravisseur, qui fond sur sa proie d’aussi haut qu’il la découvre ; également prompt à disparaître, soit qu’il ait pu la saisir, ou qu’il ait manqué son coup. J’ai déjà parlé des habitudes de ce peuple en traçant l’histoire de l’empereur Marc-Aurèle et de quelques-uns des règnes suivants : j’en dirai encore deux mots. Répandue sur une région qui s’étend depuis l’Assyrie jusqu’aux cataractes du Nil et aux confins du pays des Blemmyes, cette race a même physionomie partout. Tous sont guerriers d’instinct, vont à demi nus, n’ayant pour tout vêtement qu’une courte casaque bigarrée, et changent continuellement de place, en paix comme en guerre, à l’aide de leurs coursiers agiles et de leurs maigres chameaux. Pas une main chez eux ne touche la charrue, ne cultive une plante, ne demande la subsistance de l’homme