Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/165

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la chaîne s’étendent au nord et au midi des plaines à perte de vue, qui atteignent, d’un côté, les Alpes Juliennes, et, de l’autre, se déroulent, sans offrir la moindre aspérité, jusqu’au détroit et jusqu’à la Propontide.

(5) Julien, après avoir disposé toutes choses sur ce point comme l’exigeait la gravité des circonstances, y laissa le général de la cavalerie, et revint à Nysse, ville très considérable, s’occuper à tête reposée des mesures les plus propres à assurer le succès de son entreprise.

(6) Il y manda l’historien Aurélius Victor, qu’il avait vu à Sirmium, et le nomma consulaire de la seconde Pannonie. De plus, l’honneur d’une statue en bronze fut accordé à cet homme d’une vertu exemplaire, qu’on a vu, mais beaucoup plus tard, devenir préfet de Rome.

(7) Bientôt Julien se prononça plus ouvertement encore. Renonçant désormais à tout espoir d’accommodement avec Constance, il adressa au sénat, contre ce prince, un mémoire très amer, et rempli des accusations les plus fortes. Tertulle, alors préfet, en donna lecture à l’assemblée, dont les sentiments d’affection pour l’autre empereur éclatèrent en cette occasion avec une noble indépendance. On s’écria tout d’une voix : "Respectez celui dont vous tenez votre pouvoir."

(8) L’administration de Constantin n’était pas non plus épargnée dans cette pièce. Ce prince était traité de novateur, de violateur des anciennes lois et coutumes, et notamment pris à partie pour avoir le premier prostitué à des barbares les ornements et les faisceaux consulaires. Julien fut maladroit dans cette sortie, et inconséquent dans sa conduite ultérieure, où il encourut le blâme qu’il n’avait pas craint d’infliger ; car Névitte, dont il fit le collègue de Mamertin au consulat, ne pouvait assurément, ni par la naissance, ni par les talents, ni par les services, soutenir la comparaison avec aucun de ceux que Constantin avait honorés de la suprême magistrature. C’était un homme sans éducation, sans tenue, et cruel, qui pis est, dans l’exercice du pouvoir.

Chapitre XI

(1) Pendant cette polémique de Julien, et au moment où ses préoccupations étaient le plus vives, il reçut la nouvelle aussi alarmante qu’imprévue d’une rébellion hardie, et bien faite pour l’arrêter dans ses ardents projets, si elle n’était étouffée promptement. Voici ce qui l’avait amenée.

(2) Il avait expédié dans les Gaules, soi-disant par motif d’urgence, mais en réalité parce qu’il s’en défiait, deux légions de Constance et une cohorte d’archers, qui s’étaient trouvées dans Sirmium. Cette troupe, mécontente de sa destination, et qui s’effrayait de la perspective d’avoir les redoutables Germains en tête, céda aux conseils de défection d’un tribun mésopotamien nommé Nigrinus. L’affaire fut traitée en pourparlers secrets, et conduite avec une discrétion extrême. Mais arrivé à Aquilée, place très forte par sa position et ses ouvrages, le corps expéditionnaire en pleine révolte se jette dans la ville, secondé par la population, à qui le nom de Constance était resté cher.

(3) Il ferme les portes, arme les tours, et met tout sur le pied de défense ; proclamant par ce coup de main audacieux qu’il existait encore un parti de Constance, et invitant l’Italie entière à se ranger sous ses drapeaux.

Chapitre XII

(1) Julien reçut cette nouvelle à Nysse. N’ayant aucun ennemi sur ses derrières, et sachant