Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/166

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que cette ville n’avait jamais été prise et ne s’était jamais livrée, il mit en œuvre toute espèce d’insinuation et de caresse pour se l’attacher, avant que l’exemple d’Aquilée fût devenu contagieux.

(2) Jovin, maître de la cavalerie qui venait de franchir les Alpes et avait à peine un pied en Norique, eut ordre de revenir sur ses pas, et d’empêcher à tout prix l’incendie de se propager. Il fut de plus autorisé à retenir, et à s’adjoindre comme renfort, tout détachement isolé qui passerait par la ville, se dirigeant sur le quartier général.

(3) Ce fut en ce moment que Julien apprit la mort de Constance. Traversant alors la Thrace au plus vite, il entra dans Constantinople. Il y recevait régulièrement avis de ce qui se passait devant Aquilée. Or, jugeant, d’après les rapports de Jovin, que la résistance pouvait traîner en longueur, mais sans tirer à conséquence, il rappela ce général, qu’il voulait employer plus sérieusement ailleurs, et confia la suite des opérations du siége à Immon, assisté de quelques autres officiers.

(4) Aquilée fut cernée des deux côtés, et les chefs des assiégeants convinrent en premier lieu d’essayer l’effet des promesses et des menaces. On discuta beaucoup de part et d’autre. Mais l’entêtement des assiégés fit bientôt rompre les conférences, ne laissant d’autre recours que celui des armes.

(5) Les deux partis se préparèrent donc au combat en prenant quelque sommeil et quelque nourriture ; et le lendemain dès l’aurore, la trompette donnant le signal du carnage, on en vint aux mains à grands cris, avec plus de fureur que de tactique.

(6) Enfin les assiégeants, poussant devant eux des mantelets et des claies d’osier, commencèrent à s’avancer avec plus de circonspection : ceux-ci, munis de toutes sortes d’outils de fer pour saper la muraille en sous-oeuvre ; ceux-là, traînant après eux des échelles de la hauteur des murs. Mais, au moment où ils y touchaient déjà, la première ligne, accablée par les pierres ou criblée de traits, se rejeta sur la seconde qu’elle entraîna dans son mouvement rétrograde, et rebutée par la crainte d’en essuyer autant.

(7) Enflés de ce premier succès, la confiance des assiégés ne connut plus de bornes. Ils garnirent de machines de guerre chaque point où elles pouvaient produire quelque effet, et se livraient avec une infatigable énergie à tous les soins de la défense.

(8) De leur côté, les assiégeants, ébranlés par leur premier échec, mais cachant leurs craintes par point d’honneur, renoncèrent au moyen de donner assaut, qui leur avait mal réussi, pour recourir aux procédés de l’art des sièges. Le sol ne permettait ni de faire jouer le bélier, ni d’asseoir de machines à projectiles, ni d’ouvrir une mine. Mais, par un effort d’invention comparable à tout ce que l’histoire offre de plus étonnant en ce genre, on mit à profit le cours même du fleuve Natison, qui baigne les murs de la ville.

(9) Trois embarcations fortement amarrées ensemble servirent de plancher à l’érection d’autant de tours dépassant le niveau des remparts, à portée desquels on dut les faire arriver. Ces tours étaient couronnées de soldats armés qui faisaient tous leurs efforts pour écarter des murs leurs défenseurs, tandis que des ouvertures, pratiquées plus bas dans les flancs de ces édifices, livraient passage à des vélites armés à la légère, qui, en un clin d’œil, eurent jeté et franchi des ponts