Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/170

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à Hiérapolis.

(9) Quel tour allaient prendre les choses ? Dans son incertitude, et profitant de ce que l’armée se trouvait concentrée autour de lui, il voulut, par une harangue, raffermir le zèle de cette multitude pour le maintien de son autorité. Centuries, manipules et cohortes sont convoqués au son des trompettes, et remplissent au loin la campagne. Lui, monté sur un tribunal qu’entoure une garde plus forte que de coutume, compose son visage à l’air de confiance et de sérénité, et leur adresse ce discours :

(10) "Moi qui ai toujours si fort tenu à me montrer irréprochable dans mes actes et dans mes paroles ; moi, si attentif à régler le gouvernail selon le mouvement des flots, je suis forcé, mes amis, à confesser en ce moment que j’ai failli ; disons mieux, que l’extrême bonté de mon cœur m’a trompé sur le véritable intérêt de tous. Pour comprendre l’objet de cette réunion, prêtez- moi tous, il le faut, une oreille attentive.

(11) À l’époque des troubles excités par Magnence, et que votre valeur a réprimés, j’élevai Gallus, neveu de mon père, à la dignité de César, et lui confiai l’Orient à défendre. La justice fut par lui méconnue. Une suite d’actes détestables ont attiré sur sa tête la rigueur vengeresse des lois.

(12) Et plût à Dieu, pour le repos de l’empire, que l’esprit de rébellion s’en fût tenu à cet essai ! Le souvenir en est affligeant sans doute, mais il semblait être un gage de sécurité. Cependant une défection vient d’éclater, j’ose le dire, plus déplorable encore ; défection que la Providence va donner à vos bras la force de punir.

(13) Au moment même où vous repoussiez victorieusement ces hordes sauvages qui frémissaient autour de l’Illyrie, Julien, aux mains de qui j’avais remis la garde des Gaules, Julien, enflé de quelques faciles succès remportés sur des Germains demi-nus, et poussé, par une fureur aveugle, s’associe une poignée de ces hommes que la soif du sang, l’avide espoir des dépouilles, jette dans les entreprises désespérées, et, au mépris de toute justice, conspire avec eux le renversement de l’État. Mais la justice est la mère et la nourrice de cet empire ; par elle ces orgueilleux projets seront mis au néant, et leurs coupables auteurs punis. J’en ai pour garant ma propre expérience, et les exemples du passé tout entier.

(14) Que nous reste-t-il donc à faire, si ce n’est d’affronter l’orage ; d’étouffer dans son germe, avant qu’il ait pu se développer, cette rage meurtrière ? L’événement ne saurait être douteux. Le dieu qui punit l’ingratitude tournera contre ces impies le fer préparé de leurs mains, le fer dirigé par eux, sans provocation aucune, contre celui qui les a comblés de bienfaits.

(15) Oui, j’en ai l’intime confiance, et j’en atteste le pouvoir protecteur de la bonne cause : qu’une fois nous nous trouvions en présence, et l’effroi va les paralyser, et nul d’entre eux ne soutiendra ni le feu de vos regards, ni le premier éclat de votre cri de guerre."

(16) Ce discours allait droit aux passions des soldats. Ils secouèrent leurs lances en signe de colère, et, protestant de leur affection, demandèrent à