Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/171

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être menés sans délai contre le rebelle. Ces témoignages changèrent en joie les craintes de l’empereur. Il congédia promptement l’assemblée, et tout aussitôt fit prendre les devants à Arbétion avec les lanciers, les mattiaires, et les troupes légèrement armées. Il supposait à ce chef la main heureuse, d’après ses précédents succès dans les guerres civiles. Guyomer, avec les Lètes, dut faire face au corps ennemi qui occupait le pas de Sucques. Ce dernier détestait Julien, pour l’affront qu’il avait reçu de lui dans les Gaules ; et c’est pour cette raison qu’il fut choisi.

Chapitre XIV

(1) Mais à ce moment solennel tout indiquait visiblement que l’astre de Constance avait pâli, et que l’heure fatale n’était pas éloignée. D’effrayantes visions troublaient le repos de ses nuits. Une fois, dans le premier sommeil, l’ombre de son père lui était apparue, tenant un bel enfant dans ses bras. Constance avait pris l’enfant sur ses genoux ; mais celui-ci, lui arrachant un globe qu’il tenait à la main, l’avait jeté au loin. Évidemment ce songe pronostiquait une révolution, bien qu’on eût réussi à lui trouver une explication favorable.

(2) Il échappa encore à Constance de se plaindre, dans un de ses plus intimes épanchements, de ce que certaine manifestation indéfinissable de la présence d’un être surnaturel, et dont il s’était fait une habitude, lui avait manqué tout d’un coup ; ce qu’il interprétait comme la désertion de son bon génie, et l’annonce de sa fin prochaine.

(3) Effectivement c’est en métaphysique une opinion reçue, qu’à chacun de nous, dès qu’il voit le jour, est associée une intelligence supérieure, d’essence divine, qui régit nos actions, sauf les lois immuables du destin ; mais dont la présence est sensible seulement pour ceux que leurs vertus ont mis au-dessus du commun des hommes.

(4) Cette doctrine s’appuie sur des oracles et sur d’imposantes autorités écrites, notamment sur les deux vers du poète Ménandre, que voici : "Près de tout mortel se trouve à l’instant de le naissance un génie familier, qui le guide dans la vie."

(5) Telle est l’allégorie qui se cache dans les vers immortels d’Homère. Sous le nom des dieux de l’Olympe, ce sont les génies familiers de ses héros que le poète met en rapport avec eux, comme interlocuteurs, comme auxiliaires ou comme sauveurs. C’est à quelque mystérieuse intervention de ce genre que l’on s’accorde à attribuer la prééminence de Pythagore, de Socrate, de Numa Pompilius, du premier Scipion, et, suivant une tradition moins universellement répandue, celle de Marius, d’Octavien, qui porta le premier le nom d’Auguste, d’Hermès Trismégiste, d’Apollonius de Tyane et de Plotin. Ce dernier philosophe n’a pas craint d’analyser cette abstruse théorie, et d’en sonder les profondeurs. Il a expliqué le principe de cette connexité d’une essence supérieure avec l’âme humaine, dont elle prend charge, et qu’elle protège, en quelque sorte dans son giron jusqu’au terme assigné ; l’élevant aux plus hautes conceptions quand elle le mérite par sa pureté, et par son union avec un corps exempt de toute souillure.

Chapitre XV

(1) Impatient, comme en tout ce qu’il désirait, d’en venir aux mains avec les révoltés, Constance s’empressa de gagner Antioche, d’où, ses apprêts terminés, il n’eut pas moins hâte de