Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/172

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repartir. Bien des gens autour de lui trouvaient cette précipitation excessive, mais se contentaient d’en murmurer tout bas. Nul n’osait élever une objection, ou même insinuer un doute.

(2) L’automne était avancé quand il partit. À trois milles d’Antioche, près d’un village nommé Hippocéphale, il fit rencontre en plein jour d’un cadavre percé de coups. Le corps était à sa droite, tourné vers l’occident, et la tête était séparée du tronc. Ce présage remplit le prince d’effroi ; mais il s’entêta d’autant plus à courir au-devant de son sort. À Tarse, il eut un léger accès de fièvre ; et, croyant le dissiper par le mouvement, il poussa par un chemin très difficile jusqu’à Mopsucrène, ville située au pied du Taurus, et la dernière station qu’on rencontre avant de sortir de Cilicie. Le lendemain, le mal empiré le retint, malgré tous ses efforts pour se remettre en route. Une telle ardeur embrasait ses veines, que son corps brûlait au toucher. Les secours de l’art manquant, il vit avec douleur la mort inévitable. On dit qu’ayant encore sa présence d’esprit, il désigna Julien pour son successeur.

(3) Le râle incontinent étouffa sa voix, et, après une longue agonie, il expira le 3 des nones de novembre, dans la quarantième année de son règne et de son âge.

(4) Quand on eut rendu les derniers devoirs à sa dépouille, et donné à sa mémoire des larmes et des regrets, les principaux de la cour entrèrent en délibération sur le parti qu’il convenait de prendre. Quelques sourdes menées pour élire un empereur eurent lieu, dit-on, sous l’inspiration d’Eusèbe, que sa conscience alarmait sur le compte qu’il avait à rendre. Mais, si près de Julien, aucune insinuation de ce genre ne pouvait prévaloir. On députa donc vers lui les comtes Théolaiphe et Aligilde, pour lui annoncer la mort de son parent, et le prier de se rendre sans tarder au désir de l’Orient, qui lui tendait les bras.

(5) Le bruit courait d’ailleurs que Constance avait laissé un testament où il instituait, comme nous l’avons dit, Julien son héritier, et désignait tels ou tels de ceux qu’il affectionnait le plus comme titulaires de legs ou de fidéicommis.

(6) Sa femme, qu’il laissait enceinte, donna plus tard le jour à une princesse, qui fut nommée comme son père, et qui, parvenue à l’âge nubile, épousa Gratien.

Chapitre XVI

(1) Une véridique appréciation de son caractère doit commencer par faire la part du bien. Toujours retranchée dans la morgue impériale, son âme haute et fière tenait toute popularité comme au-dessous d’elle. Il ne conféra les hautes dignités qu’avec une extrême parcimonie, et, sauf en un petit nombre de cas, ne souffrit aucune extension des avantages attachés aux charges publiques. Il sut contenir l’arrogance militaire.

(2) Sous son règne on ne vit pas de promotion au titre d’illustrissime, bien qu’à notre connaissance celui de perfectissime ait été quelquefois concédé. Un recteur de province alors n’était pas tenu d’aller au- devant du maître général de la cavalerie ; et ce dernier n’avait droit d’intervenir dans aucune partie de l’administration civile. Mais, militaire ou civile, toute autorité s’inclinait, avec le respect du vieux temps, devant la prééminence du préfet du prétoire.

(3) Il fut ménager du soldat jusqu’à l’excès. Rigide appréciateur