Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/207

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sans le savoir, les avait conduits au massacre de ses compatriotes. Ce fait s’était passé sous le règne de Gallien.

(4) La construction d’un pont de bateaux sur l’Aboras retint quelques jours l’empereur à Cercusium. Il y reçut de Salluste, préfet des Gaules, une lettre décourageante. Cet officier le conjurait de suspendre son expédition contre les Parthes. Les dieux, disait-il, s’y montraient défavorables ; et persister sans avoir désarmé leur courroux, c’était courir à sa perte.

(5) Ce sage conseil ne fit aucune impression sur Julien, qui n’en poursuivit pas moins résolument sa marche : tant il est vrai que ni vertu ni prudence ne peuvent conjurer un arrêt du destin ! Le passage opéré, Julien fit rompre le pont, pour ôter à l’armée toute idée de retraite.

(6) Il eut encore en cet endroit une rencontre de mauvais présage. On avait exposé le cadavre d’un appariteur, mort de la main du bourreau. Ce pauvre homme avait été exécuté sur l’ordre du préfet Salluste, celui qui se trouvait à l’armée, parce qu’une livraison de vivres qu’il s’était engagé à opérer à jour fixe avait manqué par quelque circonstance imprévue. Le lendemain de son supplice arriva par eau le convoi qu’il avait promis.

(7) De là nous gagnâmes Zaïthan, mot qui se traduit par celui d’olivier. De fort loin nous apercevions le magnifique tombeau de l’empereur Gordien. Les détails de la vie de ce prince depuis son enfance, ses brillants succès militaires, et sa fin tragique, ont été racontés en leur lieu.

(8) Julien rendit, avec sa piété ordinaire, les honneurs dus à la mémoire de l’illustre défunt, et s’achemina vers Doura. En approchant de cette ville déserte, il vit venir à lui un groupe de soldats, et fit halte, ne sachant ce qu’ils lui voulaient. Ceux-ci lui présentèrent le corps d’un énorme lion qui, venant fondre sur l’armée, était tombé criblé de coups. On tira un heureux présage de cette aventure, et la route se continua joyeusement. Le fait toutefois pouvait s’interpréter de deux manières, et le sort en décida contrairement aux conjectures. Un souverain devait succomber ; mais lequel ?

(9) Les oracles sont souvent équivoques, et ne s’expliquent que par l’événement. Témoin cette réponse de l’oracle de Delphes à Crésus : "Qu’en passant l’Halys il causerait la chute d’un empire". Témoin la mer désignée si obscurément aux Athéniens comme unique voie de salut dans la guerre contre les Perses ; et enfin cet autre oracle plus récent, mais non moins ambigu : "Aio te Aeacida Romanos vincere posse".

(10) Les haruspices étrusques à la suite de l’armée, arbitres éclairés en matière divinatoire, voyant qu’ils n’avaient obtenu aucun crédit par leurs dénonciations contre cette guerre, produisirent dans cette circonstance les livres dépositaires de leur doctrine, comme preuve du sens prohibitif de ce présage, lequel, disaient-ils, était contraire au prince assaillant, quelque juste que fût sa cause.

(11) Mais leur science était traitée avec mépris par les philosophes, dont les avis faisaient alors autorité, tout sujets qu’ils soient à l’erreur, et enclins à s’entêter sur les points qu’ils entendent le moins. Ils alléguaient dans ce cas, à l’appui de leur opinion, que précédemment, lors de l’expédition du César Maximien contre Narsès, roi des Perses, il lui