Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/206

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elle disjoint les pierres et entrouvre les murailles.

(9) Devant son action, quand elle a toute son énergie, point de rempart qui ne fléchisse, de défense qui ne disparaisse, de forteresse qui ne perde son nom.

(10) Le bélier, devenu d’un usage trop commun, a été remplacé par une autre machine souvent mentionnée par les historiens, et que nous appelons en grec hélépole. C’est à l’emploi constant qu’il fit de cette machine, tant au siège de Rhodes que devant d’autres places, que Démétrius, fils d’Antigone, est redevable de son surnom de Poliorcète.

(11) En voici la structure : Sur une vaste tortue, formée de grosses et longues poutres liées ensemble par de forts crampons de fer, on étend des cuirs de bœufs recouverts d’un tissu d’osier fraîchement coupé et d’un enduit de mortier, pour la mettre à l’épreuve des projectiles à la fois et des flammes.

(12) Le front de l’engin est hérissé d’énormes éperons de fer à triple pointe, imitant la forme donnée aux foudres par les sculpteurs et par les peintres, et qui en rendent le choc destructif au dernier degré.

(13) Cet appareil, porté sur des roues, est mû à l’intérieur par un certain nombre de soldats, qui le lancent, à grand renfort de câbles et de poulies, contre les points les plus faibles des remparts, où il ne tarde pas à faire brèche, à moins que du haut de ses murs la garnison ne parvienne à en neutraliser l’effet.

(14) Voici en quoi consiste le projectile appelé malléole. C’est une flèche de roseau, garnie tout autour de bandes de fer qui se renflent par le milieu, en laissant ouverts leurs interstices, ce qui lui donne l’apparence extérieure d’un fuseau à filer. La concavité se remplit de matières inflammables, auxquelles on met le feu ;

(15) et ce trait, lancé par un arc à la corde lâche (une vibration vigoureuse l’éteindrait), brûle avec opiniâtreté tout corps auquel il s’attache. L’eau même ne fait qu’accroître l’intensité de l’embrasement ; et ce n’est qu’en jetant dessus de la poussière qu’on parvient à le maîtriser. Ces divers mécanismes sont peu connus ; ce qui motive les explications. où je suis entré. Reprenons notre récit.

Chapitre V

(1) L’empereur, renforcé du contingent offert avec empressement par les Sarrasins, hâta sa marche, et entra dans Cercusium. C’est une place très forte, et admirablement située au confluent de l’Aboras et de l’Euphrate, qui l’environnent presque complètement de leurs eaux.

(2) Elle n’offrait précédemment que peu d’importance et de sécurité. Dioclétien l’entoura de hautes murailles flanquées de tours. Il entrait dans ses plans, en effet, que la ligne de nos places frontières anticipât plutôt sur le sol ennemi, afin de mieux tenir en bride les Perses, dont les incursions avaient naguère désolé toute la Syrie.

(3) Un jour, par exemple, au milieu d’une parfaite sécurité, un acteur qui était en scène avec sa femme au théâtre d’Antioche, et dont le jeu charmait le public, s’écria, comme si ces mots eussent fait partie de son rôle : "Ou je rêve, ou voici les Perses." On se retourne, et au même instant une volée de traits vint pleuvoir dans l’enceinte. Ce fut un sauve-qui-peut général. Les ennemis, après avoir mis le feu à la ville, massacré nombre d’habitants, qui se trouvaient dans les rues comme on est en pleine paix, porté dans les environs la dévastation et la flamme, firent impunément retraite, chargés de butin. Mais auparavant ils brûlèrent vif Maréade, qui,