Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/229

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parcouraient le fleuve sur des barques et des esquifs, ramassant çà et là des prisonniers. En effet, par une disposition très-bien entendue de nos forces, tandis que l’infanterie se livrait aux travaux du siège, la cavalerie, par détachements, battait au loin la campagne, pour se procurer des vivres. L’armée, de la sorte, tout en ménageant la partie du pays actuellement occupée, vivait cependant aux dépens de l’ennemi.

(10) Déjà nos troupes, formées sur trois lignes, attaquaient vigoureusement la double enceinte de la ville, et l’empereur se flattait d’en venir à ses fins. Mais s’il était indispensable de se rendre maître de la place, il n’était pas aisé d’y réussir. La citadelle était assise sur un rocher à pic, découpé en saillies de l’accès le plus difficile et le plus périlleux : de plus, l’art avait fait monter, au niveau de cette élévation naturelle, des tours formidables qui étaient remplies de combattants ; et des ouvrages d’une grande force hérissaient les approches de la partie basse de la ville, construite sur une pente qui aboutissait à la rivière.

(11) Joignez à ces obstacles matériels une garnison nombreuse et d’élite, inaccessible à toute séduction, et dont le patriotisme voulait vaincre ou s’ensevelir sous les ruines. D’un autre côté, nos troupes montraient une ardeur peu docile, et qu’on avait peine à contenir. Dans leur impatience de joindre l’ennemi corps à corps, ils s’indignaient contre le son de la retraite qui les rappelait de l’assaut.

(12) L’habileté du chef triompha de cet emportement des esprits par une sage répartition des forces, et en assignant à chacun sa tâche, qu’il s’empressa de remplir. Ici, on travaillait à élever de hautes terrasses ; là, on s’efforçait de combler le fossé ; plus loin, on ouvrait de longues galeries souterraines. Les ingénieurs disposaient les machines, dont le sifflement allait bientôt se faire entendre.

(13) Névitte et Dagalaif avaient la surveillance spéciale des travaux de mine et d’épaulement. Diriger les assauts, et protéger les ouvrages contre les sorties et les feux jetés des murailles, fut la part que se réserva l’empereur. On était au bout de tant d’efforts, et, les apprêts de destruction terminés, le soldat demandait à grands cris l’assaut, quand le duc Victor, qui avait poussé une reconnaissance jusqu’à Ctésiphon, revint avec la nouvelle qu’il n’avait trouvé l’ennemi nulle part.

(14) L’ivresse de joie qu’elle causa chez nos troupes accrut leur confiance et leur ardeur belliqueuse, et l’on attendit impatiemment le signal.

(15) Le martial clairon résonne des deux parts. D’abord les Romains s’efforcent de diviser l’attention de l’ennemi par des cris menaçants et de feintes attaques multipliées ; leurs boucliers unis forment au-dessus de leurs têtes une voûte de figure indécise, tantôt continue, tantôt fractionnée, suivant le besoin des manœuvres. Les Perses, abrités sous les lames de fer qui les couvrent, et qui s’étagent comme les plumes sur le corps des oiseaux, pleins de confiance dans ces armures à l’épreuve, sur lesquelles les traits ne font que rejaillir, font bonne contenance sur leurs remparts, toujours prêts à déjouer ou repousser de vive force toute tentative des assiégeants.

(16) Mais quand ils voient nos gens, derrière des mantelets d’osier, attaquer sérieusement leurs murailles ;