Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/228

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suffit d’oindre son tronc de la liqueur qu’il suinte. L’émanation, par une secrète loi de la nature, s’en communique à l’autre arbre, qui manifeste aussitôt le désir de s’accoupler.

(14) L’armée se gorgea des fruits qu’elle trouvait sous sa main ; et l’on eut même à se garder des excès de la gourmandise, là où l’on craignait de rencontrer la disette. Nous laissâmes ensuite plusieurs îles derrière nous ; et, après avoir essuyé une décharge d’un parti d’archers perses qui s’était embusqué pour nous surprendre, et dont nous eûmes raison, nous arrivâmes à un endroit où le bras principal de l’Euphrate se divise en une multitude de canaux.

Chapitre IV

(1) Il y avait dans ce canton une ville juive que ses habitants avaient désertée à cause de la faiblesse de ses défenses, et que le soldat irrité livra tout entière aux flammes. De là Julien continua sa marche avec la confiance de l’homme qui croit avoir pour lui les dieux,

(2) et atteignit Mahozamalcha, ville considérable et entourée de fortes murailles. Il y dressa ses tentes avec toutes les précautions possibles pour les mettre à couvert des attaques de la cavalerie perse, si redoutable en plaine.

(3) Prenant ensuite avec lui quelques vélites, il fit à pied une reconnaissance complète de la place, mais ce ne fut pas sans tomber dans une embuscade où sa vie courut le plus grand danger.

(4) Dix soldats perses, sortis par une porte masquée, s’étaient glissés sur leurs genoux le long d’un talus, et fondirent à l’improviste sur les nôtres. Deux d’entre eux qui reconnurent Julien aux marques de sa dignité, vinrent à lui l`épée au poing : mais il reçut intrépidement leurs coups sur son boucher, perça le flanc de l’un, et l’autre fut criblé de coups par ceux qui entouraient le prince. Les huit autres, dont quelques-uns blessés, prirent la fuite. Julien rapporta la dépouille des deux morts comme trophée au camp, où il fut reçu avec enthousiasme.

(5) Torquatus ravit un collier d’or à son ennemi vaincu ; Valérius, avec l’aide d’un champion ailé, triompha d’un Gaulois qui s’enorgueillissait de sa force prodigieuse, et acquit par là le nom de Corvinus. Nous ne leur envions pas ces titres de gloire ; mais que le beau fait d’armes de Julien soit aussi consigné au souvenir de la postérité.

(6) Le lendemain, un pont fut construit, et l’armée passa un bras du fleuve, pour trouver un campement plus favorable. Julien le fit entourer d’un double retranchement, sachant qu’il avait tout à craindre au milieu de plaines dégarnies. Il était déterminé à emporter Mahozamalcha ; car c’eût été s’exposer que de pénétrer plus avant, laissant une réunion si considérable d’ennemis sur ses derrières.

(7) Pendant qu’on s’occupait sérieusement des travaux préparatoires, le suréna essaya d’enlever des chevaux qu’on faisait paître dans un bois de palmiers ; mais il fut repoussé avec quelque perte par les cohortes de garde.

(8) La population de deux villes, malgré leur position insulaire, avait pris l’alarme, et cherchait à se retirer à Ctésiphon. La retraite des uns fut protégée par l’épaisseur des forêts ; d’autres ne trouvèrent de salut qu’en s’embarquant dans des troncs d’arbres creusés, et s’enfonçant dans l’intérieur du pays.

(9) Nos soldats en tuèrent une partie, qui se mit en défense. Eux-mêmes