Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/246

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placé dans les bourses particulières. "Alexandre le Grand, répétait-il avec complaisance, quand on voulait savoir où était son trésor, répondait en souriant : Chez mes amis."

(16) Après m’être étendu sur ses bonnes qualités, je dois revenir sur ses défauts, bien que j’en aie dit quelques mots à l’avance. Il n’était pas exempt de légèreté, mais en revanche il permettait qu’on le reprît quand il était dans son tort.

(17) Il laissait trop courir sa langue, et ne connaissait pas le prix du silence. Il faisait abus de la divination, et allait aussi loin que l’empereur Hadrien dans cette manie. Il y avait dans son culte plus de superstition que de religion véritable. Si grande était la consommation de bœufs qu’entraînaient ses sacrifices, qu’on disait que l’espèce manquerait s’il revenait de son expédition de Perse. On pouvait donc lui appliquer la plaisanterie faite sur Marc-Aurèle, alors César : "À Marcus César les bœufs blancs. C’est fait de nous si vous revenez vainqueur."

(18) Il était amoureux à l’excès de la louange, d’une vanité qui triomphait des moindres avantages, et il ne rougissait pas de s’entretenir avec le premier venu, par pure affectation de popularité.

(19) Nonobstant ces faiblesses, on pourrait répéter avec lui que son règne allait ramener la justice sur la terre, dont, suivant la fiction d’Aratus, l’ont bannie les vices des hommes ; et l’éloge serait complètement vrai, si quelques traits d’arbitraire ne formaient disparate avec la stricte équité, règle ordinaire de sa conduite.

(20) Ses lois, en général, sont exemptes de ce despotisme étroit qui fait violence à la liberté naturelle. Mais cet éloge souffre des exceptions ; et il faut mettre de ce nombre la tyrannique défense d’enseigner prononcée contre les rhéteurs et les grammairiens professant le christianisme, à moins qu’ils n’abjurassent leur culte.

(21) Ce fut encore un abus de pouvoir intolérable que cette contrainte de faire partie des conseils municipaux, imposée à nombre de personnes en faveur desquelles la qualité d’étranger, le privilège ou la naissance constituaient bénéfice d’exemption ou incompatibilité.

(22) Voici maintenant pour son extérieur : Il était de moyenne taille, avait naturellement la chevelure lisse comme si le peigne y eût passé ; la barbe rude, fournie, et terminée en pointe. Ses yeux étaient beaux, et le feu dont ils brillaient décelait un esprit qui se sent à l’étroit. Il avait les sourcils bien dessinés, le nez droit, la bouche un peu grande, la lèvre inférieure proéminente, le col gros et incliné, les épaules larges et la poitrine développée. Tout son corps, de la tête aux pieds, présentait les plus exactes proportions ; aussi était-il vigoureux et agile à la course.

(23) Ses détracteurs l’accusent d’avoir attiré sur son pays l’embarras d’une guerre. Mais en réalité ce n’est pas à Julien qu’il faut attribuer originairement la guerre avec les Perses, mais bien à Constance, qu’un sentiment de cupidité, comme nous l’avons démontré plus haut, rendit trop crédule aux mensonges de Métrodore.

(24) C’est donc ce dernier prince qui reste responsable de la destruction de nos armées (on vit des corps entiers mettre bas les armes), du sac de nos villes, de la démolition de nos forteresses, de l’épuisement de nos provinces, et enfin de la réalisation trop probable de cette menace de l’ennemi de porter la guerre jusqu’en Bithynie et jusqu’au rivage de la Propontide.

(25) Quant à la Gaule, dans quel état