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Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/247

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Julien l’avait-il trouvée ? Une guerre déjà ancienne y exerçait de plus en plus ses fureurs ; nos provinces étaient en proie aux Germains ; les Alpes, bientôt franchies, allaient ouvrir l’Italie à leurs ravages ; partout la désolation et la ruine ; des plaies saignantes, de plus cruels maux encore en perspective. Un jeune homme est envoyé au secours de l’Occident, décoré d’un vain titre. Il arrive, et déjà tout est réparé, et les rois ennemis lui obéissent en esclaves.

(26) La pensée de relever également l’Orient lui fit faire la guerre aux Perses ; et sans doute il en eût rapporté un surnom et des trophées si la faveur du ciel eût répondu à sa valeur et à l’excellence de ses plans.

(27) Et quand on voit tant de naufragés se risquer encore sur mer, tant de vaincus tenter encore la fortune des combats, et s’exposer de gaieté de cœur à des épreuves qui déjà leur ont été si fatales, comment blâmer un prince toujours victorieux de courir une fois de plus chercher la victoire ?

Chapitre V

(1) Le temps manquait pour se livrer aux pleurs et aux lamentations. Le corps reçut seulement, en raison des circonstances, les soins que réclamait son transport au lieu d’inhumation choisi par le prince défunt lui-même. Et le lendemain, 5 des calendes de juillet, tandis que les Perses cernaient l’armée de toutes parts, ses chefs, après avoir convoqué les tribuns des légions et de la cavalerie, se réunirent pour délibérer sur l’élection d’un empereur.

(2) Une violente scission s’opéra dès l’abord. Arinthée, Victor et autres officiers de l’ancienne armée de Constance voulaient que le choix eût lieu dans leurs rangs, tandis que Névitte, Dagalaif, avec le reste des chefs gaulois, insistaient pour qu’il tombât sur un des leurs.

(3) Le débat se prolongeait, aucun des deux partis ne voulant céder, quand on s’accorda pour porter toutes les voix sur Salutius. Celui-ci s’excusa sur son âge et ses infirmités ; et comme il persistait invinciblement dans son refus, un officier de marque prit la parole, et dit : "Que chacun de vous se demande ce qu’il ferait au cas où l’empereur (la chose n’est pas sans exemple) lui aurait en son absence confié la conduite de cette guerre. Ne songerait-il pas, toute autre considération mise de côté, à tirer nos soldats de la position critique où ils se trouvent ? C’est à ce but qu’il faut tendre. Et s’il nous est donné de revoir la Mésopotamie, alors les suffrages réunis des deux armées désigneront le légitime empereur.

(4) Pendant ces courts instants d’une hésitation bien naturelle, il arriva que quelques impatients, pendant qu’on délibérait, élurent en tumulte Jovien, chef des gardes. Il n’avait pour titre que les services paternels, et la recommandation était médiocre. Il était fils de ce comte Varronien qui avait depuis peu laissé la carrière des armes pour mener une vie plus tranquille.

(5) Jovien, déjà revêtu des ornements impériaux, avait quitté sa tente et parcourait les rangs de l’armée, prête à se mettre en marche.

(6) Les lignes présentaient un développement de quatre milles. Aussi les soldats placés en avant des enseignes, entendant saluer Jovien Auguste, répétèrent le cri de toutes leurs forces, parce que, trompés par la ressemblance des noms, qui ne diffèrent que d’une lettre, ils crurent que Julien leur était rendu, et que c’était lui qu’on accueillait avec l’enthousiasme ordinaire. En voyant s’avancer la longue figure voûtée