Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/325

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Il devint ensuite proconsul d’Asie, et jusque-là semblait destiné à n’attacher à son nom que d’honorables souvenirs.

(23) Le bruit des persécutions exercées par Maximin était venu jusqu’à lui, et il blâmait sans ménagements cette conduite comme odieuse et funeste ; mais il vit que c’était par du sang versé que ce monstre s’était acquis des titres à la place de préfet du prétoire. Dès lors Festus n’eut plus qu’un désir, celui d’obtenir le même avancement par les mêmes voies : un comédien ne change pas plus lestement de rôle. Le voilà promenant de tous côtés un œil attentif à saisir les occasions de nuire, et ne doutant pas que la préfecture ne tombât dans ses mains dès qu’elles seraient teintes du sang de l’innocence.

(24) Sa méchanceté, pour me servir de l’expression la plus adoucie, s’est diversement signalée. Il suffira d’en citer quelques traits bien connus, et remarquables surtout par une intention évidente de singer ce qui se passait dans le même temps à Rome. Dans des proportions plus restreintes, il fit relativement autant de mal.

(25) Il condamna impitoyablement à mourir du plus cruel supplice un philosophe nommé Coeranius, qui n’était pas sans mérite. L’unique crime de cet homme était d’avoir écrit à sa femme une lettre qui finissait par ces mots en grec : "Ayez soin de couronner la porte," expression proverbiale, où l’on donne à entendre qu’il doit vous arriver quelque chose d’important.

(26) Il fit périr comme magicienne une pauvre vieille femme qui prétendait avoir le secret de charmer par le chant la fièvre intermittente, et que lui-même avait fait venir, à ce titre, pour donner des soins à sa fille.

(27) Une perquisition avait fait découvrir, dans les papiers d’un citoyen de marque de la ville, un horoscope de Valens. On demande à ce dernier à quelle fin il avait chez lui le thème de nativité du prince. Le malheureux eut beau protester que ce n’était que celui d’un frère qu’il avait depuis longtemps perdu, et qui s’appelait aussi Valens (ce qu’il offrit d’établir sans réplique), Festus le fit déchirer par les bourreaux et mettre à mort sans attendre ses preuves.

(28) Un jeune homme qu’on avait vu au bain porter alternativement chaque doigt des deux mains tantôt sur les degrés, tantôt sur sa poitrine, en récitant les sept voyelles grecques, et qui croyait trouver dans cette pratique un remède aux maux d’estomac, fut mis en jugement, et mourut de la main du bourreau, après avoir subi la torture.

Chapitre III

(1) II faut que j’interrompe ici la série des faits de l’Orient, pour jeter un coup d’œil sur la Gaule. J’y trouve, entre autres calamités, Maximin en possession de la préfecture du prétoire, et de l’immense autorité qui se rattache à ce titre ; auxiliaire terrible aux passions d’un souverain déjà trop disposé à faire abus du pouvoir. Ce que nous rapporterons des faits suffira, pour peu qu’on réfléchisse, à donner la mesure de ce que nous passerons sous silence ; et l’on nous fera grâce d’un tableau complet des fureurs du despotisme, égaré par les mauvais conseils.

(2) La présence de Maximin fit que Valentinien donna l’essor à sa férocité naturelle, impatiente déjà de toute retenue, et désormais privée de règle et de contre-poids. On vit dès lors ce prince s’abandonner à cet instinct comme un vaisseau livré à la fureur des vagues et des tempêtes. À tout moment un changement de couleur, une