Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/326

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démarche précipitée, l’altération de la voix, trahissaient chez lui quelque émotion violente. L’excès de ses emportements n’est que trop connu ; je n’en citerai que quelques exemples.

(3) Un jour, dans une chasse, un de ses pages, qui tenait en laisse un chien de Laconie pour le lancer sur le gibier au passage, lâcha trop tôt l’animal, qui s’était jeté sur lui et l’avait mordu pour s’échapper. Valentinien le fit mourir sous le bâton, et enterrer dans la journée.

(4) Un ouvrier de la manufacture, qui lui avait apporté une cuirasse d’un travail exquis, s’attendait à recevoir un bon prix de son labeur. Il le fit mettre à mort, parce que l’armure était un peu faible de poids, à son idée. Il envoya encore au supplice un prêtre chrétien, natif de l’Épire, pour avoir caché le proconsul Octavien, sur qui pesait une accusation.

(5) Il fit lapider Constancien, préposé aux remontes, à qui il avait donné mission d’aller en Sardaigne recevoir des chevaux destinés au service militaire, et qui en avait remplacé quelques-uns de son autorité privée. Le cocher Athanase, alors en grande faveur, était soupçonné d’avoir tenu des propos indiscrets. L’empereur ordonna de le brûler la première fois qu’il prendrait semblable licence ; et ce supplice, effectivement, lui fut infligé peu de temps après, sur le prétexte d’une imputation de sortilège, sans égard pour un talent qui faisait les délices du public.

(6) Africain, célèbre avocat de Rome, demandait son changement, au terme de son administration dans une province. Théodose appuyait sa requête. L’empereur ne répondit que par cet atroce jeu de mots : "Il veut qu’on le déplace ; déplacez-lui la tête." Et ce fut l’arrêt de mort d’un homme distingué par son éloquence, qui n’avait d’autre tort que d’avoir, comme tant d’autres, demandé de l’avancement.

(7) Claude et Salluste, officiers des Joviens, que leur mérite avait fait parvenir de simples soldats au grade de tribun, furent accusés d’avoir dit du bien de Procope, au moment où ce dernier affectait l’empire. La condition du délateur était assez vile pour ôter toute espèce d’autorité à son témoignage. La question, appliquée à plusieurs reprises, ne révélait aucune charge contre les prévenus. L’empereur fit dire aux maîtres de la cavalerie, qui étaient les juges, de condamner Claude à l’exil et Salluste à la peine capitale, promettant que ce dernier aurait sa grâce au moment du supplice. On suivit ses ordres. Mais Salluste fut réellement exécuté ; et ce ne fut qu’après la mort de Valentinien que Claude obtint son rappel (LACUNE). La torture sévit avec une fureur nouvelle :

(8) bien des malheureux y succombaient, contre lesquels on ne put découvrir même un indice de culpabilité. Contrairement à tout usage, les protecteurs qui avaient été chargés de représenter les personnages furent eux-mêmes frappés de verges.

(9) Ma plume se refuse à retracer tant d’horreurs ; je crains aussi qu’on ne m’accuse de calomnier un prince si recommandable sous quelques rapports. Je ne puis toutefois passer sous silence que deux ourses dévorantes étaient nourries de chair humaine dans des loges placées près de sa chambre à coucher ; que l’une avait nom Mie d’Or, et l’autre Innocence ; qu’il leur avait donné à toutes deux des gardiens spécialement chargés d’entretenir leur instinct féroce ; et qu’Innocence,