Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/345

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eux se paye, jusqu’au bâillement.

(12) Jurisconsultes profonds, ils citent à tous moments Trébatius, Cascellius, Alfénus, et invoqueront même les lois des Aurunques et des Sicanes, enterrées avec la mère d’Évandre. Qu’on se donne à eux pour assassin de sa propre mère, ils vont s’engager à trouver vingt textes différents pour absoudre ; bien entendu s’ils ont la certitude que le parricide a la bourse bien garnie.

(13) Dans la troisième espèce sont les avocats qui, pour se produire dans cette profession turbulente, ont voué leur bouche vénale à l’outrage de la vérité ; fronts d’airain, aboyeurs éhontés, qui se frayent accès partout, et profitent des préoccupations des juges pour compliquer les questions, éterniser les procès, troubler la paix de toutes les familles, et transformer les tribunaux, sanctuaires du bon droit quand leur institution n’est pas faussée, en autant de chausse- trapes ténébreuses, d’autres spoliateurs d’où l’on ne se tire, après bien des années, que sucé jusqu’à la moelle.

(14) Enfin, pour clore notre revue, citons cette espèce ignare, insolente, effrontée, échappée trop tôt de l’école, qui bat le pavé des rues, commentant les farces des tréteaux au lieu d’étudier les causes, fatiguant les portes des riches, et toujours à l’affût des bonnes cuisines.

(15) L’un d’eux a-t-il une fois soutiré quelque argent, le profit le met en goût, et le premier qui lui tombe sous la main se voit, pour peu qu’il l’écoute, affublé d’un procès. Si par hasard (ce qui ne se voit guère) une cause est confiée à l’un de ces gens, ce n’est qu’à l’audience, et en présence même du débat, qu’il s’inquiète de savoir comment son client s’appelle, et sur quoi son droit repose. C’est alors un amphigouri de circonlocutions sans fin, un flux nauséabond de paroles, débitées du ton larmoyant de Thersite.

(16) À défaut de preuves, les avocats de cette espèce se lancent dans les personnalités. Plus d’une fois la licence effrénée de leurs attaques contre les noms les plus honorables les a exposés à des prises à partie, à des condamnations personnelles. Il en est d’assez peu lettrés pour n’avoir jamais ouvert un livre,

(17) et qui sont capables de prendre, au milieu d’un cercle instruit, le nom cité d’un auteur ancien pour celui d’un poisson, d’un mets exotique. Qu’un étranger, ne connaissant que de nom l’orateur Marcien, vienne à demander où il demeure ; il n’en est pas un qui ne réponde : "C’est moi qui suis Marcien."

(18) Jamais scrupule ne les arrête. Voués au gain, esclaves du gain, ils ne savent que tendre la main, sans pudeur et sans terme. Une fois qu’on a donné dans leurs filets, on est entortillé des pieds à la tête. Ce sont d’abord, pour gagner du temps, les maladies de commande ; puis ils vous ouvrent sept moyens différents, dont chacun se paye, le tout pour conclure à quelque application impertinente d’un texte de loi qui court les rues ; autant d’expédients pour faire traîner l’affaire en longueur.

(19) Et quand le plaideur appauvri a vu se succéder des jours, des mois, des années d’attente, l’instance surannée, oubliée, est introduite enfin. Arrivent alors ces coryphées du barreau, escortés de simulacres de collègues. On est devant les