Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/658

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§ 14. Il faut savoir et se rappeler par tous les moyens que lorsqu’on engageait l’action la première et la deuxième lignes restaient immobiles ; les triaires demeuraient aussi à leur place. Mais les férentaires, les légèrement armés, les archers, les frondeurs, s’avançaient à la tête de l’armée, et chargeaient l’ennemi : s’ils pouvaient le mettre en fuite, ils le poursuivaient ; s’ils étaient obligés de céder au nombre ou à la force, ils se repliaient sur ces deux lignes, et allaient se poster derrière elles. Alors les pesamment armés, qui étaient comme un mur de fer, reprenaient le combat, d’abord de loin, avec les armes de jet, et bientôt de près, l’épée à la main. Mettaient-ils l’ennemi en fuite, ils ne le poursuivaient pas, de peur de se rompre et que l’ennemi dispersé, revenant tout à coup sur eux, ne profitât de leur désordre : c’étaient les légèrement armés, avec les frondeurs, les archers et la cavalerie, qui se mettaient à sa poursuite. Grâce à ces dispositions prudentes, la légion était victorieuse sans danger ; ou si elle avait du désavantage, elle se conservait en bon état ; car il est de l’essence de la légion de ne pouvoir aisément ni fuir ni poursuivre[1].

§ 15. De peur aussi que, dans la confusion de la mêlée, les soldats ne vinssent à s’écarter de leurs camarades, ils avaient dans chaque cohorte leurs boucliers peints de signes différents de ceux des autres. Outre cela, sur le revers du bouclier de chaque soldat était écrit son nom, avec l’indication de sa cohorte et de sa centurie. On voit, par ces détails, qu’une légion bien ordonnée était comme une place invincible, en ce qu’elle portait partout avec elle toutes les choses nécessaires à la guerre ; qu’elle ne craignait jamais des surprises de l’ennemi, et qu’ekle savait tout d’un coup, en rase campagne, se faire des retranchements de fossés et de palissades[2].

§ 16. Les instruments militaires de la légion sont la trompette, appelée tubicen, le cornet, et la buccine on cor. La trompette appelle le soldat au combat, et sonne aussi la retraite ; au bruit du cornet, ce ne sont pas les soldats, mais les enseignes, qui se mettent en mouvement : c’est encore la trompette qui sonne toutes les fois que les soldats doivent sortir, sans enseignes, pour quelque travail ; et quand on veut faire marcher les enseignes, le cornet leur en donne le signal. On désigne par le nom de classicum le son particulier de la buccine, qui s’adresse aux ailes de l’armée. C’est aussi une des marques du commandement : le classicum se joue en présence da général, ou lorsqu’on punit de mort des soldats ; ce qui ne peut se faire qu’en vertu de son autorité. Pour commander les gardes ordinaires (vigilæ), ou les gardes hors du camp, appelées agraires, pour convoquer les troupes à quelque ouvrage, pour les appeler au champ de manœuvres, on se sert de la trompette appelée tubicen ; et c’est au son de cette même trompette que ces exercices-là cessent. Faut-il faire avancer les enseignes, ou les arrêter tout à coup dans leur marche, le cornet sonne. Or tout cela se pratique dans les exercices et dans les promenades qu’on fait faire aux soldats sous les armes, afin que dans le combat même ils obéissent plus facilement, par habitude, à ces différents signaux, quand les chefs commandent soit de charger ou de s’arrêter, soit de poursuivre l’ennemi ou de revenir. La raison veut, en effet, qu’on s’accoutume à pratiquer dans le loisir de la paix ce que

  1. Voy. Végèce, l. II, c. xvii.
  2. Voy. Végèce, l. II, c. xviii.