Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/684

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rie est de deux sortes, légionnaire et auxiliaire : la première, levée chez nous-mêmes ; la seconde, empruntée de nos alliés ou confédérés. Mais Rome a toujours tiré sa principale force de ses légions ; le nom même de légion (legio) vient de choisir (eligere), et signifie, pour ceux qui choisissent les soldats, le devoir d’y mettre de la fidélité et de l’attention. Au reste, nous avons toujours composé nos armées d’un plus grand nombre de nationaux que d’auxiliaires.

chapitre ii.
De la différence des légions aux troupes auxiliaires.

Les Lacédémoniens, les Grecs, les Dardaniens, se servaient de phalanges composées de huit mille combattants. Les Gaulois, les Celtibériens, et plusieurs autres peuples barbares, combattaient par bandes de six mille hommes. Les Romains ont leurs légions, qui sont ordinairement fortes du même nombre de six mille, et quelquefois plus. Voyons la différence qu’il y a entre ces légions et les troupes auxiliaires. Celles-ci sont formées d’étrangers soudoyés, qui viennent de différents pays et en corps inégaux : rien ne les lie entre eux ; la plupart ne se connaissent pas ; chaque nation a son langage propre, sa discipline, sa façon de vivre et de faire la guerre. Il est difficile de vaincre avec des troupes qui, avant de combattre, ne marchent pas d’accord. Dans une expédition où il est essentiel que tous les soldats se meuvent au même commandement, des gens qui n’ont pas été dressés comme le reste de l’année ne peuvent pas obéir également, ni avec la même promptitude. Cependant ces troupes étrangères ne laissent pas de devenir d’un grand secours, à force d’exercices bien montrés. On les joignit toujours aux légions dans les batailles, comme armure légère ; et si elles ne firent jamais la principale force des armées, on les comptait du moins pour un renfort utile. Mais la légion romaine, composée de cohortes qui lui sont propres, réunit dans un même corps les pesamment armés, c’est-à-dire, les princes, les hastats, les triaires et les avant-enseignes, avec les légèrement armés, c’est-à-dire, les férentaires, les frondeurs et les arbalétriers, sans compter la cavalerie légionnaire qui lui appartient : or, toutes ces différentes parties n’ont qu’un même esprit ; elles sont d’intelligence pour fortifier les camps, pour se mettre en bataille et pour combattre. La légion est donc en elle-même une armée entière qui, sans secours étrangers, était autrefois en possession de battre tout ce qu’on lui opposait : la puissance des Romains en est une preuve. Avec leurs légions ils ont vaincu autant d’ennemis qu’ils ont voulu, ou que les circonstances le leur ont permis.

chapitre iii.
Causes de la décadence des légions.

On conserve encore aujourd’hui dans les troupes le nom de légions ; mais elles se sont abâtardies depuis que, par un relâchement qui est assez ancien, la brigue a surpris les récompenses dues au mérite, et que par la faveur on est monté au grade que le service seul obtenait auparavant. On n’a pas eu soin de mettre de nou-