Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/69

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séjour dans la plus auguste des résidences, dont il goûtait avec délices les plaisirs et le repos, quand ses loisirs furent troublés par des dépêches trop certaines, qui lui annoncèrent coup sur coup que la Rhétie était ravagée par les Suaves, la Valérie par les Quades, et que les Sarmates, les plus insignes brigands de la terre, faisaient des incursions dans la Moesie supérieure et la basse Pannonie. Alarmé de ces nouvelles, il quitta Rome le 4 des kalendes de juin, un mois après son entrée, et se rendit en diligence en Illyrie, en passant par Tridentum[1]. De là il envoya Sévère, officier d’une expérience consommée, tenir dans les Gaules la place de Marcel, et rappela près de lui Ursicin, qui répondit à cet ordre avec empressement, et vint aussitôt le joindre à Sirmium avec les associés de sa précédente mission. On y tint longtemps conseil touchant les chances de la paix proposée par Musonien avec les Perses, et Ursicin fut envoyé en Orient avec son grade. On donna aux plus anciens d’entre nous des commandements dans l’armée. Les plus jeunes, et j’étais du nombre, eurent ordre de suivre Ursicin, et de lui obéir en tout pour le service de l’État.

XI. César, consul pour la seconde fois avec Constance, qui l’était pour là neuvième, après un hiver passé à Sens, où les menaçantes démonstrations des Allemands le tinrent perpétuellement sur le qui-vive, rentra en campagne sous les plus heureux auspices, et se dirigea rapidement sur Reims. Son cœur s’épanouissait à l’idée de n’avoir plus d’opposition ni de susceptibilités à craindre de la part d’un lieutenant aussi rompu que l’était Sévère à l’obéissance des camps, et dont il était certain de se faire suivre en toute circonstance avec la docile promptitude du soldat le mieux discipliné. D’un autre côté, par l’ordre de l’empereur, un renfort de vingt-cinq mille hommes lui était arrivé d’Italie à Rauraque[2], sous le commandement de Barbation, qui était parvenu à la maîtrise de l’infanterie depuis la mort de Silvain. C’était l’exécution du plan, mûrement concerté à l’avance, de rétrécir insensiblement le cercle des dévastations par la marche simultanée de deux divisions romaines parties de deux points opposés, afin de prendre les barbares comme entre des tenailles, et d’en finir avec eux d’un seul coup.

Tandis que cette manœuvre s’opérait avec tout ce qu’on pouvait y mettre de promptitude et d’ensemble, les Lètes indépendants, toujours prompts à saisir les occasions de piller, dérobent une marche aux deux camps, et tombent à l’improviste sur Lyon, qu’ils auraient saccagé et brûlé dans ce coup de main si l’on n’eût à temps fermé les portes, mais dont ils ravagèrent tous les environs. César, à la nouvelle de ce contre-temps, fit occuper en toute hàte par de forts détachements de cavalerie trois routes par où devait nécessairement s’effectuer le retour de ces pillards. Il avait bien pris ses mesures ; car tout ce qui s’engagea dans l’une de ces voies y laissa la vie avec son butin, qui fut repris encore intact. Il n’y eut d’épargné qu’une colonne qui longea dans sa fuite le camp de Barbation, et que celui-ci laissa tranquillement défiler sous ses retranchements mêmes. Le salut de ce parti était l’effet d’un contre-ordre donné par Cella, tribun des scutaires, aux tribuns Bainobaude et Valentinien, dont le dernier fut dans la suite empereur ; contre-ordre par suite duquel ils durent abandonner tous deux les postes

  1. Trente.
  2. Bâle.