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Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/709

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reste sans espoir, il faut examiner, tenter et exécuter tout ce qui est possible, avant que d’en venir à ce moment critique : aussi les grands généraux, au lieu d’exposer leurs troupes aux hasards d’une bataille, où le péril est commun aux deux armées, essayent de la ruse pour détruire ou du du moins effrayer le plus d’ennemis qu’ils peuvent, sans risque pour les leurs. Voici ces moyens, que j’ai tirés de nos anciens militaires : Un des plus utiles pour un général est de s’entretenir souvent avec des officiers intelligents et expérimentés, de ses forces et de celles de l’ennemi ; de bannir de ses entretiens la flatterie, si préjudiciable en pareil cas ; de savoir précisément qui, de lui ou du général ennemi, a les troupes les plus nombreuses, les mieux armées, les mieux disciplinées, les plus braves, les plus robustes ; et si c’est en cavalerie qu’il est plus ou moins fort, ou en infanterie, en quoi, comme l’on sait, consiste la principale force d’une armée : il doit aussi porter son attention sur la cavalerie ; examiner si elle est mieux montée ou plus mal que celle de l’ennemi ; plus ou moins forte en cuirassiers, archers, lanciers ; enfin à qui des deux partis la position du champ de bataille paraît plus favorable. Si vous êtes supérieur en cavalerie, il faut choisir la plaine ; si au contraire vous êtes plus fort en infanterie, cherchez à combattre dans des lieux serrés, et coupés de fossés, d’arbres, de marais, de montagnes, etc. Mettez-vous au fait du plus ou moins de vivres sur lesquels l’armée ennemie et la vôtre peuvent compter, car la famine est un ennemi intérieur plus dangereux souvent que le fer. Examinez s’il y a plus d’avantages à temporiser qu’à terminer promptement la guerre. L’ennemi a quelquefois compté de finir bientôt une expédition. Si on la traîne en longueur, ou la disette le consume, ou l’impatience de revoir son pays l’y rappelle, ou le dépit de n’avoir rien à faire de grand le force à se retirer. C’est alors que les soldats, épuisés de travail et rebutés de services, désertent en foule ; quelques-uns trahissent, d’autres se laissent prendre, car la fidélité tient rarement contre la mauvaise fortune ; et telle armée qui était nombreuse en entrant en campagne commence à se fondre d’elle-même. Il vous est encore important d’étudier le génie du général qu’on vous oppose ; de savoir même si ses principaux officiers sont hasardeux, entreprenants ou timides ; s’ils entendent la guerre ou non ; s’ils se conduisent par principes ou au hasard ; de distinguer quelles sont, dans les alliés des ennemis, les bonnes et les mauvaises troupes ; quelles sont les forces, la valeur, la fidélité, sur lesquels vous devez compter de la part de vos nationaux et de vos auxiliaires ; en un mot, qui de vous ou de l’ennemi peut se promettre plus raisonnablement la victoire. Ce sont ces sortes de réflexions qui augmentent ou qui diminuent la confiance. Mais, quelque découragée que soit votre armée, une harangue du général, une attitude qui prouve qu’il n’a pas peur, suffit pour la ranimer. Le courage s’accroît si par quelque stratagème, ou en saisissant une occasion favorable, vous faites quelque action d’éclat ; si la fortune commence à abandonner l’ennemi ; si vous parvenez à battre quelques corps faibles ou mal armés. Mais ne menez jamais au combat toute une armée effrayée, ou même inquiète sur l’événement ; soit que vous