Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/83

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III. On était menacé d’une coalition plus formidable encore que la précédente ; grave sujet d’anxiété pour un esprit aussi sage, et qui savait combien les armes sont journalières. Cependant comme la trêve lui laissait quelques moments de répit, moments bien courts et disputés par une multitude d’affaires, il s’occupa néanmoins de soulager la propriété dans les Gaules, par une plus équitable répartition des charges dont elle était accablée. Florence, préfet du prétoire, qui s’était rendu, disait-il, un compte exact de la situation, prétendait que la capitation laisserait un déficit qui ne pourrait être comblé que par voie de prestation extraordinaire. Mais Julien, convaincu des funestes effets de ce système d’impôt, déclarait qu’il aimait mieux mourir que d’en permettre l’application. C’est qu’il savait quelles incurables blessures sont faites aux provinces par ces sortes de subsides ou plutôt de spoliations, et quelles misères ils traînent inévitablement à leur suite. On verra plus tard que la ruine de l’Illyrie n’a pas eu d’antre cause.

Florence fit grand bruit de ce qu’on refusait tout à coup de s’en rapporter à l’homme auquel l’empereur lui-même avait donné la haute main sur cette partie de l’administration. Julien, en premier lieu, tâcha de le calmer, puis lui démontra, par des calculs irréfutables, que la capitation non seulement suffisait aux besoins de la province et de l’armée, mais donnerait même un excédant. On ne laissa pas de lui soumettre ultérieurement un projet d’édit pour une imposition supplémentaire ; mais César refusa péremptoirement de le signer, et jeta le document à ses pieds, sans même en permettre la lecture. L’empereur, prévenu par les plaintes du préfet, en écrivit à Julien, l’engageant à mettre moins de roideur et plus de confiance dans ses rapports avec ce haut fonctionnaire. À quoi Julien se contenta de répondre qu’il fallait savoir gré à la province, dévastée comme elle l’était, d’acquitter exactement l’impôt ordinaire ; mais qu’à l’égard d’un surcroît de taxe quelconque, il n’y avait rigueur qui pût l’arracher d’une population réduite à cet excès d’appauvrissement. C’est à sa seule fermeté que la Gaule dut de se voir, une fois pour toutes, délivrée d’exactions vexatoires.

César donna encore un exemple unique. La seconde Belgique était écrasée de charges de toute espèce. Il sollicita et obtint du préfet de s’en remettre à lui de cette partie de son administration, mais à la condition expresse que nul appariteur ou agent du fisc n’interviendrait, et que nulle contrainte ne serait exercée pour le payement de ce qui était dû. Cette condescendance tutélaire eut son effet : ce fut à qui s’empresserait, sans attendre de sommation, de s’acquitter par avance.

IV. Pendant que la Gaule commençait ainsi à renaître, Rome, sous la seconde préfecture d’Orfite, voyait un obélisque s’élever dans le cirque. Le moment est venu de dire quelques mots de ce monument.

Il existe une vaste cité d’antique et superbe construction, célèbre depuis des siècles par les cent avenues qui y donnent accès, et que ses fondateurs, pour cette raison, ont appelée Thèbes hécatompyle (aux cent portes) ; nom d’où dérive celui de Thébaïde, que la province a conservé de nos jours. Dans la première période de l’agrandissement de Carthage, un de ses généraux tenta brusquement une expédition qui fit tomber Thèbes en son pouvoir. Échappée à cette première oppression, la ville subit celle de Cambyse, roi de Perse, le plus avide et le plus barbare des